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Délimitation des circonscriptions électorales: Une nouvelle carte à «l’effet papillon»?
Connaissez-vous «l’effet papillon»?
Il s’agit d’une théorie selon laquelle l’infime mouvement d’air effectué par le battement des ailes d’un papillon peut provoquer des changements aussi surprenants qu’importants, par exemple dans un modèle météorologique, allant même jusqu’à être la source d’une tornade. Ce concept qui provient des sciences naturelles trouve aussi son application dans les sciences humaines. Et il pourrait bien s’appliquer au Nouveau-Brunswick dans le contexte du processus de redécoupage électoral qui se terminera bientôt.
Je m’explique. La nouvelle carte proposée par la Commission sur la délimitation des circonscriptions électorales et sur la représentation offre somme toute, à première vue, peu de changements importants par rapport à la carte entérinée il y a dix ans. Néanmoins, les petites modifications proposées, en particulier en ce qui a trait à la population francophone de la province, pourraient avoir un impact au-delà de la stricte politique provinciale.
Les commissaires disent avoir pris soin d’appliquer le principe de protection des communautés d’intérêt, dont les communautés linguistiques – un principe étayé dans l’arrêt Raîche de 2005. À cette époque, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales avait proposé qu’Allardville et une partie des paroisses de Saumarez et de Bathurst soient transférées d’Acadie-Bathurst à Miramichi. Cette proposition avait suscité des plaintes d’électeurs francophones au Commissariat aux langues officielles du Canada qui craignaient de ne pas pouvoir faire entendre leurs doléances dans une circonscription à majorité anglophone. La Cour fédérale leur avait donné raison, sommant la Commission de s’assurer que la représentation électorale de la communauté francophone soit préservée. La proposition de joindre Memramcook à Dieppe va dans ce sens.
Celle d’inclure une partie de Cap-Acadie à Tantramar, toutefois, répond plutôt au critère de représentativité, les circonscriptions ne pouvant déroger de plus de 25% d’écart de population, selon la loi. Les commissaires ont dit avoir pris cette décision controversée à contre-cœur, alors qu’une partie de la communauté francophone se retrouverait minoritaire dans cette circonscription.
Les débats entourant l’emplacement de Saint-Quentin sur la carte électorale démontrent, pour leur part, qu’il est parfois impossible de plaire à tout le monde.
Loin d’être anodin, ce genre de décision peut créer un «effet papillon» à moyen et long terme, et au-delà du palier provincial. Le regroupement de municipalités francophones sous une même circonscription, ou au contraire, leur scission, peut modifier les prises de décision au niveau régional ou local. Dans un contexte où ces espaces de pouvoir sont de plus en plus revendiqués en régions francophones, on doit considérer les synergies, ou au contraire, le dédoublement de travail qu’une révision des délimitations des circonscriptions provinciales peut susciter, dans des domaines aussi diversifiés que les services de voirie, la santé, le développement économique et le tourisme.
Il est trop tôt pour déterminer toute l’ampleur de l’impact qu’auront ces nouvelles circonscriptions, mais la mobilisation citoyenne dont nous sommes témoins depuis le dépôt du rapport préliminaire des commissaires nous démontre au moins une chose: l’importance de ces lieux de pouvoir est loin de passer inaperçue.