Lorsqu’on n’est pas dans le secret des dieux, le meilleur outil à notre disposition pour prévoir les revenus d’un gouvernement, c’est le gros bon sens.

En général, une bonne règle de base est de présumer que les recettes en taxes et impôts vont croître au même rythme que l’économie sans ajuster les chiffres pour l’inflation.

Lors du budget de 2022, il y avait lieu de douter sérieusement des prévisions du gouvernement provincial. En effet, celui-ci affirmait alors que ses recettes en taxes et impôts allaient diminuer alors même que tout portait à croire que l’économie, alimentée par l’inflation élevée et une très forte croissance démographique, afficherait une très forte croissance.

Comme chacun le sait, le gouvernement s’est magistralement trompé. Selon les plus récentes prévisions, les recettes pour l’année en cours (2022-23) excéderont de plus d’un milliard de dollars ce qui était prévu initialement, soit une erreur de prévision de 15 pour cent.

Lorsqu’une telle erreur se produit, le premier réflexe des économistes est d’évaluer si la hausse des revenus a été causée par des facteurs non récurrents ou si elle reflète plutôt une tendance de fond, comme une économie bien plus forte que prévu.

C’est lors de la mise à jour du deuxième trimestre, en novembre 2022, que le gros de l’augmentation prévue des recettes pour l’année en cours a été annoncé. À l’époque, l’explication du gouvernement était sans équivoque: cette hausse était attribuable à une croissance démographique sans précédent, une croissance dont il semblait vouloir prendre le crédit. Rien dans le matériel fourni ne signalait clairement que des facteurs non récurrents étaient à l’œuvre.

En 2023, l’inflation devrait ralentir, mais rester à des niveaux historiquement élevés. Quant à l’explosion démographique néo-brunswickoise, tout porte à croire qu’elle devrait se poursuivre. Dans un tel contexte, il aurait été logique de s’attendre à ce que les recettes du gouvernement provincial continuent d’augmenter en 2023-24.

Or, ce n’est pas ce que prévoit le ministre des Finances Ernie Steeves dans son budget. Au contraire, celui-ci estime que les recettes en taxes et impôts vont diminuer de 700 millions $ l’an prochain, ce qui serait du jamais vu en au moins vingt ans.

Pour expliquer sa prévision, le ministre a fait très brièvement mention dans son discours de facteurs non récurrents qui auraient affecté les revenus au cours des deux dernières années. Il ne nous a cependant pas dit quelle était au juste l’ampleur de ces facteurs.

La semaine dernière, trois autres provinces ont déposé leurs budgets: l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, de même que Terre-Neuve-et-Labrador. Ainsi, on a appris que bien que l’Ontario ne prévoie pas une baisse de ses recettes en taxes et impôts, les deux autres provinces s’attendent quant à elles à une diminution considérable.

Contrairement au Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse ne s’est pas contentée d’une référence vague à l’effet de facteurs non récurrents pour expliquer la croissance fulgurante de ses revenus en 2022-23. Au contraire, son plan budgétaire a offert un chiffre précis, soit 900 millions $.

Si l’on suppose un développement semblable au Nouveau-Brunswick, on peut présumer que les recettes en taxes et impôts du gouvernement provincial pourraient avoir connu une hausse temporaire d’environ 700 millions $ en 2022-23. Si tel était le cas, on pourrait bien mieux comprendre pourquoi le gouvernement prévoit dans son budget une chute dramatique de ses recettes l’an prochain. On pourrait également mieux comprendre pourquoi celui-ci prévoit un surplus modeste après avoir produit un autre surplus record cette année.

La morale de cette histoire est claire: si le gouvernement veut qu’on le croie, il doit bien mieux communiquer les changements dans sa trajectoire financière.

Après avoir raté la cible royalement au cours des deux dernières années, le gouvernement ne peut reprocher aux Néo-Brunswickois de prendre ses prévisions avec un immense grain de sel. S’il veut améliorer sa crédibilité, ce dernier se doit de mieux communiquer et de faire montre d’une transparence accrue.

À cet égard, la suggestion du politologue Roger Ouellette d’imiter Ottawa en se dotant d’un directeur parlementaire du budget mérite d’être examinée de plus près.

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle