Le premier ministre Higgs s’est encore lamenté au sujet des francophones. Paraît qu’on a un biais contre lui, qu’on le maltraite. Pauvre lui! C’est vrai qu’on n’est pas juste envers lui. Après tout ce qu’il a fait et continue de faire en faveur des abat-jour. Oups, pardon: des francophones.

En réalité, nous sommes pas mal ingrats envers lui, car, dans le dossier linguistique, il n’a cessé de se démener comme un diable dans l’eau bénite! Certes, il ne se démène pas d’une manière qui nous plaît, mais Dieu qu’il se démène!

Que ce soit l’histoire des ambulanciers, sa promesse d’apprendre le français, la mise en tutelle à toutes fins pratiques du réseau de santé Vitalité, la fermeture des urgences la nuit dans les petits hôpitaux du nord, son refus de délier les cordons de la bourse pour permettre la tenue des Jeux de la Francophonie en péril, sa décision de ne plus apprendre le français, son tataouinage sur la révision de la Loi sur les langues officielles, la nomination de son complice, l’anti-bilinguistique Kris Austin, au comité chargé de réviser cette loi, tout cela démontre spectaculairement qu’il n’a cessé de patauger dans le bouillant fricot linguistique depuis son arrivée au pouvoir!

Tous ces dossiers, et d’autres!, illustrent à merveille la qualité de la relation qu’il a religieusement entretenue avec la communauté francophone. OK, les francophones n’ont pas trop apprécié cet intérêt mal placé, et ça, c’est parce qu’ils n’ont pas compris qu’il faisait ça pour leur bien!

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Eh oui! Il a fait tout ça pour garder les francophones sur le qui-vive!

Conscient, comme plusieurs d’entre-nous, que les francophones se laissaient un peu aller dans la défense de leurs droits, il s’est dit qu’il allait s’acharner à les réveiller!

Et la meilleure manière de réveiller les francophones du Niou-Brunswick, ce n’est pas de leur consentir plus de droits linguistiques, mais bien de créer une course à obstacles qui les forcera à prendre leurs affaires en main. Pas fou, pantoute, tsé!

Personnellement, j’ai compris son petit jeu dès son arrivée au pouvoir et c’est pour cette raison que je l’ai honoré en le comparant à un Lord Durham en culotte courte et à Séraphin Poudrier qui a tenu les francophones canadiens en haleine pendant des décennies.

Bon, c’est vrai qu’une fois j’ai demandé la démission du premier ministre, mais c’était une joke, bien sûr. La preuve: y est encore là!

D’ailleurs, transparence oblige, je tiens à rappeler que j’ai déjà demandé ma propre démission! Pour rire, probablement. La preuve: chu t’encore là!

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Mais, blague à part, je tiens quand même à lui dire que j’ai déjà collaboré avec un premier ministre (progressiste)-conservateur du Niou-Brunswick et qu’il existe entre les deux une mer de différences!

C’était le premier ministre Richard Hatfield, aussi unilingue que lui, mais pas prisonnier dans une bulle temporelle, disons. Au lieu de percevoir les francophones comme des adversaires qu’il fallait neutraliser, il a préféré s’en faire des alliés, afin qu’avec leurs compatriotes anglophones ils mettent l’épaule à la roue pour amener la province sur la route du 21e siècle.

Richard Hatfield n’a jamais craint les droits linguistiques des francophones. À tel point que sous l’impulsion de son bras droit francophone, le turbulent Jean-Maurice Simard, mon patron réel à l’époque, il a même voulu que ces droits linguistiques soient reconnus comme étant en tous points égaux à ceux des anglophones.

Il n’a pas tergiversé. Il n’a pas cherché de faux-fuyants. Il n’a pas lésiné. Il n’a pas fait semblant. Parce qu’il respectait ses compatriotes de langue française. Il respectait leur histoire. Leur culture. Leurs aspirations.

Et parce qu’il les respectait, il s’intéressait à eux. Et parce qu’il s’intéressait à eux, il les connaissait mieux. Et parce qu’il les connaissait mieux, il comprenait leur situation. Et parce qu’il comprenait leur situation, il n’a pas hésité à utiliser les armes de son pouvoir pour leur permettre de progresser.

Louis Robichaud avait fait la même chose au cours des dix ans précédents l’arrivée au pouvoir de Richard Hatfield. C’est ça, le vrai leadership.

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Non, cher Monsieur Higgs, ce ne sont pas des préjugés que les francophones expriment à votre égard. C’est une déception. Une grande, une profonde déception. Une déception abyssale.

Parce que le mépris que vous avez manifesté à leur égard le soir électoral où vous avez dit qu’ils seraient prêts à voter pour un abat-jour pourvu qu’il soit rouge, vous a discrédité.

Pourtant, ils étaient prêts à passer l’éponge. Ils sont comme ça, les francophones. Quand c’est pas la Sagouine qui lave le plancher, eux, ils passent l’éponge!

Au lieu de chercher à vous en faire des alliés, vous vous êtes entêtés à les enquiquiner, à les picosser, à les traiter en citoyens de deuxième classe. Et plus vous creusiez les ornières de votre mépris, moins ils avaient confiance en vous. Bref: l’éponge a pris le bord!

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Pire que ça, cher Monsieur: plus vous agissez négativement à l’égard des francophones, plus vous parsemez d’embûches la vie de vos successeurs à la tête de votre parti.

Richard Hatfield disait que «plus l’Acadie sera forte, plus le Nouveau-Brunswick sera fort». Dites-vous bien que plus vous tentez d’isoler la communauté francophone, plus vous faites reculer la communauté anglophone.

Cela dit, vous avez parfaitement le droit de penser ce que vous voulez des droits linguistiques des francophones et de l’histoire de leurs luttes passées pour les obtenir (et maintenant, pour les préserver). Et bien que votre opinion à ce sujet puisse avoir un intérêt certain, elle ne pourra jamais stopper l’avenir de la francophonie.

Vous regrettez que les francophones entretiennent un biais négatif à votre égard. Je vous invite cordialement à faire un saut quantique de votre époque à aujourd’hui. Et vous pourrez alors contempler la vérité de leur déception dans toute sa splendeur.

Faites un saut de biais, s’il le faut.

Han, Madame?

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