L’Ordre de Malte est un État sans territoire, à la fois sujet de droit international souverain, ordre religieux de l’Église catholique et organisation caritative, qui, depuis le 3 mai, est dirigé, pour la première fois de son histoire de plus de neuf siècles, par un Canadien, John T. Dunlap. Lors des dernières années, l’Ordre a été le théâtre de tensions entre l’extrême droite et le pape François, avant que ce dernier y nomme un nouveau gouvernement il y a quelques mois.

L’Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte a été fondé au XIe siècle et, même s’il n’a plus de territoire, émet des timbres et des passeports, entretient des relations diplomatiques avec plus d’une centaine d’États et dispose même d’un statut d’observateur aux Nations unies. Ses relations diplomatiques lui ont permis d’interagir directement avec les États en cas de conflits ou de catastrophes naturelles de même que de participer à des négociations de paix.

Au cours de son histoire, l’Ordre de Malte a vécu plusieurs crises politiques. La dernière grande crise, où il faillit perdre sa souveraineté, a eu lieu dans les années 1950 et a été racontée par l’écrivain Roger Peyrefitte dans son roman Les Chevaliers de Malte.

En 2017, l’Ordre de Malte vécut une nouvelle crise causée par la démission, à la demande du pape François, du grand maître de l’époque, le Britannique Matthew Festing. Peu de temps auparavant, Matthew Festing avait exigé la démission du grand chancelier de l’Ordre, l’allemand Albrecht von Boeselager, parce que perçu comme trop « libéral » en étant supposément associé à la distribution de préservatifs à des personnes porteuses du VIH lors d’actions humanitaires.

Face à cette éviction, le pape François avait demandé à une commission d’enquêter. L’Ordre de Malte a refusé puisque, se disant souverain, il n’avait pas à se plier à cette exigence du Vatican.

Au-delà du conflit entre le Vatican et l’Ordre de Malte, il s’agit d’un conflit entre le pape et les courants d’extrême droite au sein de l’Église. Les positions relativement progressistes du pape François lui ont valu plusieurs détracteurs dont, sans doute son plus actif adversaire, le cardinal Raymond Burke.

Raymond Burke a pris position politiquement à plusieurs reprises, notamment lors des élections présidentielles américaines de 2004, où il a déclaré qu’il refuserait de donner la communion au candidat démocrate John F. Kerry en raison de ses positions sur l’avortement. Il a non seulement réitéré le même refus à propos du président Joe Biden en 2020, mais la presse américaine a également souligné ses liens avec Stephen Bannon, le conseiller de l’ex-président des États-Unis Donald Trump.

Nommé cardinal en 2010 par le pape Benoit XVI, Raymond Burke exerçait une certaine influence au sein de la curie romaine. Il a toutefois perdu beaucoup de son influence sous le pape François, sans doute parce qu’étant très critique envers ce dernier, et fut nommé en 2014 représentant auprès de l’Ordre de Malte, un poste plus honorifique qu’influent, ce qui avait été vu comme une rétrogradation par plusieurs vaticanistes.

En étant présent aux côtés de Matthew Festing lors du limogeage d’Albrecht von Boeselager, Raymond Burke invoquait l’accord du Saint-Siège, ce qui n’était pas le cas. Le pape François a depuis nommé des délégués pontificaux, soit ses représentants personnels auprès de l’Ordre, enlevant ainsi tout véritable pouvoir d’influence à Raymond Burke.

Son leadership étant fortement contesté par des cardinaux ultraconservateurs, le pape François tente d’asseoir son pouvoir, notamment par l’entremise de l’Ordre de Malte. Ainsi, depuis l’automne dernier, il y a promulgué une nouvelle constitution et nommé un nouveau gouvernement.

Le pape François a nommé John T. Dunlap lieutenant du grand maître en juin 2022 et un gouvernement provisoire en septembre dont les membres ont été élus en janvier. Aussi, selon la précédente constitution, les principaux chevaliers de l’Ordre et son grand maître devaient avoir une ascendance nobiliaire, ce qui, pour les réformateurs soutenus par le Vatican, excluait de fait tous les non-Européens, dont les Canadiens, des fonctions dirigeantes.

La nouvelle constitution supprime cette l’obligation ce qui a permis à John T. Dunlap d’être élu 81e grand maître, le premier non européen. Toutefois Marianna Balfour du Bureau des Communications de l’Ordre de Malte, consultée dans le cadre de cet article, rappelle que depuis plusieurs décennies, la plupart des membres de l’Ordre ne répondaient pas à cette exigence qui n’existait que pour le poste de grand maître et certains membres du Conseil souverain.

L’Ordre de Malte se trouve désormais plus près politiquement du pape François. Cependant, dans les coulisses du Vatican, les courants d’extrême droite continuent à lui reprocher ses positions plus progressistes, dont ses appels aux pays occidentaux à accueillir les migrants.

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