L’enfant consolateur
Quatrième station du chemin de la croix: Jésus rencontre sa mère. La scène a été chantée et peinte par de nombreux artistes au cours des siècles. Ici, elle est inscrite dans le béton et peut être admirée sur le site de Ste-Anne-du-Bocage, à Caraquet.
Souvent, on passe rapidement devant les stations du chemin de croix. En se disant qu’elles se ressemblent toutes. Dans le bocage, elles se confondent avec la forêt: on dirait des arbustes précieux qui sortent de terre, chacun avec une fleur unique. Il y a tant de beautés naturelles à Ste-Anne-du-Bocage que celles-ci peuvent faire ombrage au patrimoine religieux.
Lorsqu’on prend le temps de regarder les détails de cette scène du chemin de croix, ça peut nous mener loin. Ici, la lumière du soleil couchant met en perspective l’expression faciale du Christ qui rencontre sa mère. J’y vois beaucoup de sollicitude. Comment un artiste peut-il réussir à placer autant de tendresse sur un visage de pierre?
C’est la bienveillance maternelle qui se voit dans le visage du Christ: comme dans un miroir, les traits de la mère sont devenus ceux du fils. À force de regarder le visage de sa mère, l’enfant vient à lui ressembler et à épouser ses caractéristiques de bonté. Et le miracle se produit: ce n’est plus la mère qui console, mais le fils qui prend le relais pour consoler à son tour celle qui a séché ses pleurs.
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Il me semble que la consolation est une caractéristique des mères. Le mot est d’ailleurs féminin. Ce sont elles qui excellent à guérir les blessures avec un baiser, à soigner une peine d’amour en pleurant avec l’autre, à encourager en révélant les forces, à tempérer les souffrances en montrant les siennes.
En faisant naître un enfant, on dirait que les mères naissent elles-mêmes à cette vertu de consolation. Sans s’en apercevoir, elles acquièrent tout ce qu’il faut pour consoler. Et la plupart du temps, elles réussissent. Même avec peu de mots ou avec des gestes hésitants, elles réussissent ce que d’autres ne réussissent pas aussi bien qu’elles: consoler, raffermir, ressusciter.
La consolation est une des plus belles expressions de l’amour: c’est l’attention affective donnée à l’autre pour lui révéler sa valeur.
À travers des gestes simples et des mots du quotidien, l’autre peut saisir qu’il n’est pas seul dans l’adversité et que sa fragilité n’enlève rien à sa dignité. La consolation n’élimine pas toujours la souffrance de l’autre, mais lui ouvre un chemin.
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Dans l’aventure fascinante de la maternité, il n’y a pas que la mère qui console. Celles qui sont passées maîtres en ce domaine sont là pour en témoigner. Au commencement de l’aventure maternelle, après des heures de travail d’enfantement, la simple vue du bébé transforme les pleurs en larmes de joie. Avant même d’être capable de sourire, parler ou marcher, la simple présence d’un enfant est source de consolation pour sa mère.
Tout au long de sa croissance, à son insu souvent, l’enfant apporte un baume aux difficultés maternelles. Lorsqu’il sourit à sa mère le matin, elle oublie ses heures d’insomnie de la veille. Lorsqu’il fait ses premiers pas, elle regrette presque de n’avoir plus à le porter dans ses bras. Lors de ses premières réussites, elle ne peut contenir sa joie de voir les fruits de ses efforts. Lorsqu’il quitte la maison pour s’engager dans sa propre histoire, elle contemple une vie épanouie qui est aussi la sienne.
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Un enfant console sa mère. Jeune, il le fait sans s’en rendre compte. Devenu adulte, cela relève d’un choix. Sur son chemin de croix, Jésus avait des raisons de penser à lui: il souffrait des blessures sur son corps, il angoissait à l’idée de sa mort imminente, il s’inquiétait de la suite de sa mission. Il a choisi de consoler les femmes sur son chemin. Sur sa mère, il a posé un regard de tendresse, comme une trentaine d’années auparavant. Cette fois, il a choisi de le faire.
Même lorsqu’ils sont partis ou absents, les enfants consolent. Des mères endeuillées en témoignent: elles ressentent la présence aimante de leur enfant qui n’est plus. Les enfants demeurent unis à leur mère: même la mort ne peut les séparer.
Il y a des mères qui attendent une présence ou un geste consolateur qui ne vient pas, qui ne vient plus. La souffrance est grande parce qu’elles ont connu l’intensité de cette expérience au commencement de leur vie de mère. Je pense à celles-là aujourd’hui. Surtout à celles qui sont inquiètes, déçues et qui se cachent pour pleurer. Mais aussi à celles qui sont fières, comblées et consolées.
Bonne fête des Mères à toutes les mamans!