Le sénateur René Cormier. - Photo: Francopresse
Langues officielles: les sénateurs sous les projecteurs
La Chambre des communes a adopté en troisième lecture le projet de loi C-13 modifiant la Loi sur les langues officielles, lundi dernier. Un soupir de soulagement a pu être entendu dans les communautés francophones d’un bout à l’autre du pays (et certainement dans les bureaux de la ministre Petitpas Taylor): jusqu’à la dernière minute, une rumeur circulait comme quoi une importante dissidence pourrait se manifester dans les bancs de l’opposition, en particulier dans le caucus conservateur.
Or, le décompte final, 301 votes pour, 1 vote contre, témoigne d’une unité que l’on voit rarement aux Communes. Peut-être les parlementaires ont-ils jugé que l’enjeu des langues officielles n’a pas de couleur politique et que ce projet de loi, sans être parfait, allait généralement dans une direction souhaitable. Ou peut-être que l’opposition a compris que chaque vote contre ce projet de loi serait une arme supplémentaire pour le gouvernement sortant lors d’un prochain scrutin – en particulier au Québec qui, avec ses 78 sièges, pèse lourd dans le calcul électoral.
De fait, le seul vote contre le projet de loi provenait des bancs du gouvernement, le député de Westmount Anthony Housefather ne pouvant se résoudre à voter pour un projet de loi reconnaissant la Charte de la langue française du Québec. Les députés de l’opposition en désaccord avec C-13 ont préféré, pour leur part, s’abstenir de voter.
Cela dit, il est trop tôt pour sabrer le champagne. L’épopée législative du projet de loi n’est pas terminée: les sénateurs doivent maintenant se pencher sur le projet de loi. Et ces derniers ont déjà lancé un avertissement comme quoi ceux qui souhaitent voir C-13 devenir loi doivent modérer leurs ardeurs.
On comprend que le sénateur Cormier et ses collègues ne veulent pas entériner le projet de loi sans prendre le temps de l’étudier. Une telle décision serait indigne de leur rôle et ne ferait que nourrir la réputation du Sénat comme institution désuète ne servant qu’à estampiller les décisions des Communes. Mais il serait tout aussi dommageable pour le Sénat que celui-ci fasse de l’obstruction à ce projet de loi. Force est aussi d’admettre que la quasi-unanimité de la Chambre basse donne à C-13 une légitimité qu’on retrouve rarement dans le processus parlementaire.
De plus, la session parlementaire se terminera à la fin juin pour les vacances estivales. Avec un gouvernement minoritaire aux Communes, a-t-on vraiment le luxe de faire poireauter ce projet de loi à l’agenda jusqu’à l’automne? Le Sénat veut-il risquer que C-13 subisse le même sort que le projet de loi C-32, mort au feuilleton en 2021, et ainsi reporter la modernisation de la LLO aux calendes grecques une fois de plus?
Les sénateurs ne peuvent simplement pas partir en vacances avec la conscience tranquille alors que ce projet de loi demeure en suspens. S’ils ont besoin de plus de temps pour remplir leur mandat, qu’ils s’autorisent des heures supplémentaires d’ici à la fin juin, avant de quitter Ottawa. Pour le bien de nos langues officielles, c’est la solution qui s’impose.