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À l’attaque!
Nous vivons une époque tellement paradoxale que, parfois, on a du mal à s’y retrouver. On n’a jamais autant invoqué le mot «liberté» et, dans le même temps, jamais autant interdit, souhaité interdire ou réclamé à corps et à cris des interdictions. On est loin du slogan de mai 68 dans les universités françaises: «Il est interdit d’interdire». En fait, et c’est tellement regrettable, il n’y a plus grand monde aujourd’hui au centre de l’échiquier politique et social, on est radicalement à droite ou à gauche et, des deux bords, on s’indigne pour à peu près tout.
Nous sommes également devenus très sommaires dans nos condamnations: chez moi, l’Université Memorial a viré en catastrophe sa présidente pour avoir, paraît-il, prétendu à une ascendance mi’kmaque douteuse. Difficile de juger de la situation puisqu’on l’a remerciée sans lui laisser la possibilité de s’expliquer devant une table ronde d’experts, ce qu’on lui avait pourtant promis au début de l’incident. Le tollé général des bien-pensants a eu vite fait de la décision de l’université de suivre ses principes.
À l’Université Mount Allison, deux professeures ont tenté d’empêcher l’institution de remettre un doctorat honorifique à Deborah Lyons, diplomate et ancienne ambassadrice du Canada en Israël et en Afghanistan parce que, selon elles, cet honneur entachait la cause de la Palestine et des femmes en Afghanistan.
Je ne prétends pas connaître en détail ces deux cas, mais il me semble qu’on a été pour le moins sommaire dans l’exécution publique de ces personnes, usant de façons de faire qu’on est pourtant rapide à reprocher à nos opposantes ou opposants.
Les idées qui nous déplaisent nous offensent tellement qu’on veut les occulter: certains veulent que le CRTC bloque l’accès de la population canadienne à Fox News parce que la chaîne se fait le porte-voix de mensonges complotistes et trumpistes mais s’indignent aussi que CNN ait permis au même Trump de s’expliquer sur leurs ondes.
Est-ce utile de souligner que la prohibition ne fonctionne pas? Que, plus on interdit et plus on outrepasse, que plus un objet est «illicite», plus il a de valeur. J’ajouterai également que plus on interdit, moins on sait ce qui se passe dans le camp adverse, et moins on a de chance de se parler, de discuter et – peut-on même encore l’espérer? – de se comprendre malgré nos points de vue opposés.
Ce n’est pas de cette façon, que nous allons résoudre nos problèmes et relever nos défis que ce soit en Acadie, au pays ou dans le monde.