La disparition des petites voitures
Récemment, TVA Nouvelle publiait un article intitulé «Vers l’un des étés les plus chauds du siècle?», dans lequel on retrouvait une courte entrevue entre l’animatrice et un météorologue. En cliquant sur la vidéo, les lecteurs se retrouvaient devant une publicité automobile, mettant en vedette un véhicule utilitaire sport (VUS), avant de découvrir les raisons qui nous conduisent vers l’un des étés les plus chauds jamais enregistrés.
Voilà une situation bien ironique, alors que les VUS ont émis près de 1 milliard de tonnes de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2022 seulement. La popularité de ces véhicules n’est pas que répandue au Canada, mais dans le monde entier, selon ce qu’a constaté l’Agence internationale de l’énergie, dans une analyse publiée le 27 février 2023.
Bien que les ventes totales de voitures aient diminué de près de 0,5% pour atteindre 75 millions d’unités en 2022, les ventes mondiales de VUS ont augmenté malgré les obstacles de la chaîne d’approvisionnement et l’inflation, avec une croissance d’environ 3% entre 2021 et 2022. Les VUS ont représenté environ 46% des ventes mondiales de voitures l’an dernier, un chiffre astronomique, alors que le monde s’efforce de réduire ses émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Pourtant, un récent rapport du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) pour le compte d’Équiterre a démontré que ce type de véhicule ne répond pas du tout aux besoins de la population. Par exemple, 74% des propriétaires de VUS n’ont jamais besoin de remorquer quoi que ce soit, seulement 39% utilisent régulièrement la majorité des sièges et 15% des déplacements en VUS concernent des activités de plein air, des vacances et des voyages.
Ce rapport conclut donc que «l’industrie automobile a réussi à convaincre beaucoup de gens qu’un véhicule surdimensionné était nécessaire, sans correspondre à leurs besoins réels». En revanche, les petites voitures sont pratiquement en voie de disparition, avec des ventes atteignant un creux historique de 27%.
Mais si les constructeurs automobiles affirment aujourd’hui que «la demande pour les petites voitures est au point mort», c’est en grande partie parce qu’ils incitent les consommateurs à acheter de plus gros modèles, qui sont nettement plus rentables pour l’industrie.
Cette tendance s’observe également dans le domaine des véhicules électriques, où l’on impose aux consommateurs des modèles de plus en plus gros et surtout plus chers, ce qui entrave considérablement la transition vers des véhicules plus respectueux de l’environnement. Ces mastodontes représentent en quelque sorte un danger pour la sécurité routière et exercent une pression accrue sur nos précieuses ressources, qui ne sont pas illimitées.
Aujourd’hui, nous offrons la transition énergétique uniquement à ceux qui peuvent se la payer, puisque les coûts associés à l’utilisation des VUS sont plus élevés que ceux associés à une voiture de plus petit format.
La publicité exerce indéniablement une influence sur nos choix de consommation, que ce soit pour les voitures ou tout autre produit. Selon Équiterre, près de la moitié des acheteurs de nouveaux véhicules admettent être influencés par différentes formes de publicité. Au cours des dernières années, l’industrie automobile a représenté 21% de l’investissement total en publicité numérique, la plaçant en tête du classement.
L’utilisation de la voiture individuelle constitue déjà un enjeu majeur sur les plans écologique, climatique et social, surtout à une époque où les émissions de gaz à effet de serre devraient être en baisse. Au Canada, le secteur des transports est responsable de 25% de ces émissions.
Actuellement, aucune exigence ne concerne l’affichage de la consommation de carburant, des émissions de gaz à effet de serre émises, l’interdiction de présenter les véhicules dans des environnements naturels ou le respect des normes environnementales.
Le gouvernement du Canada s’est déjà engagé à réduire ses émissions de GES d’au moins 40% d’ici 2030 et à interdire la vente de véhicules neufs à essence en 2035. Réglementer et éventuellement interdire complètement les publicités automobiles, qui influencent les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus énergivores, constitue une solution à envisager.