J’ai commencé ma carrière de journaliste au tout début des années 90 en suivant un dossier qui allait bouleverser ma province et le pays: les abus sexuels, physiques et mentaux infligés à des centaines de jeunes garçons par le clergé catholique. Infligés, en toute impunité, il faut l’ajouter, tant le pouvoir de la religion sur la population était quasi total.

Durant des mois d’audiences publiques sur les abus perpétrés à l’orphelinat Mount-Cashel, j’ai côtoyé des victimes. J’ai vu tant de misère humaine et entendu tant de souvenirs d’horreur. J’ai même tenté, sans succès, de révéler les exactions similaires d’un autre prêtre bien connu. Là encore, la loi du silence a eu raison de la soif de justice. C’est dire que le sujet me touche encore et que ma colère envers cette institution demeure intacte.

En lisant les fils de presse cette semaine, j’ai été transportée des années en arrière par une nouvelle concernant un des infâmes coupables de notre orphelinat, le frère Ronald Lasik, condamné en 1999 à 11 ans de prison pour agressions et viols sur des orphelins. Son histoire mérite d’être racontée car elle illustre la manière dont ces hommes dits «de foi» ont été traités par leurs supérieurs et autorisés à reprendre leurs sales habitudes ailleurs.

Dans les années 50, le frère Lasik sévit à l’orphelinat Mount-Cashel de Saint-Jean de Terre-Neuve. Je vous fais grâce des témoignages contre lui, la plupart sont insoutenables. Puis, en 1957, Lasik disparaît de l’orphelinat et de la province. On ne sait trop où il va mais on sait qu’en 1966 il arrive dans sa ville natale de Chicago pour enseigner au Saint-Laurence High School. En 1968, sans prévenir et en plein milieu de l’année scolaire, il quitte l’institution, la ville et les États-Unis. Son nom apparaît depuis dans la longue liste de membres du clergé de la région accusés d’exactions sur de jeunes garçons.

En 1970, il arrive en Australie. Et ça recommence. Il enseigne d’abord à Brisbane, puis s’installe à St Brendan’s College à Yeppoon dans le comté de Queensland. Il laisse dans ces deux institutions de nombreuses victimes avant de rentrer aux États-Unis à la fin des années 90.

En 1999, il vient à Terre-Neuve subir son procès et sert le tiers de sa sentence de 11 ans de prison. Libéré en 2003, il rentre aux États-Unis et finit tranquillement ses jours dans une maison de retraite de son institution religieuse, encore et toujours frère des Irish Christian Brothers.

Combien de victimes aurait-on pu éviter si on n’avait pas, partout et à chaque fois, choisi «le silence»?

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