Menu

L’histoire à succès des huîtres du N.-B

NDLR: Depuis cinquante ans, des éleveurs d’huîtres néo-brunswickois travaillent d’arrache-pied afin de raffiner leurs techniques d’élevage, un effort ayant contribué à leur succès. Incursion dans l’industrie ostréicole, une histoire à succès néo-brunswickoise comme il en existe peu.

Depuis cinq ans, le gouvernement du N.-B. a déployé de nombreux efforts afin de soutenir et faire grandir l’industrie ostréicole, une approche qui a porté fruit.

En 2015, le Nouveau-Brunswick comptait 419 789 sacs d’élevage d’huîtres le long de ses côtes.

Cette année-là, 19 millions d’huîtres (valeur à la ferme de 7,4 millions $) ont été vendues, avec des exportations totalisant 4 millions $.

Pour assurer la croissance du secteur, le ministère de l’Agriculture de l’Aquaculture et des Pêches a lancé en 2017 sa Stratégie de développement de la conchyliculture.

Dans le cadre de cette initiative, le gouvernement s’était accordé cinq ans afin d’atteindre une production annuelle de 30 millions d’unités d’une valeur à la ferme de 12 millions $ et des exportations de 6,4 millions $.

Malgré les difficultés causées par la pandémie, les objectifs de cette stratégie ont largement été dépassés, se réjouit aujourd’hui Marie-Josée Maillet, gestionnaire en aquaculture pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick.

En 2021, la valeur à la ferme des 45,9 millions d’huîtres vendues par les producteurs a atteint 19,2 millions $ alors que les exportations se sont élevées à 11,45 millions $.

Entre 2017 et 2021, le nombre de poches ostréicoles retrouvées dans les baies de la province a augmenté de 62% pour atteindre 679 903.

«Il y aujourd’hui environ 100 cultivateurs dont les activités se concentrent dans une vingtaine de baies tout le long de la côte est», dit Mme Maillet.

Environ la moitié se retrouvent dans la partie sud du Nouveau-Brunswick, principalement dans les baies de Richibouctou, de Bouctouche, de Cocagne et de Shédiac. Au nord, on retrouve notamment des ostréiculteurs à Néguac, Saint-Simon et Lamèque.

Une histoire à succès

D’après Mme Maillet, le visage de l’industrie ostréicole a bien changé depuis qu’elle a commencé à y travailler, il y a une vingtaine d’années.

«Quand j’ai rencontré mes premiers aquaculteurs, plusieurs faisaient ça à temps partiel, la fin de semaine. Aujourd’hui, ce sont de grosses entreprises et certaines ont plus de 60 employés. Nos huîtres sont vendues partout dans le monde, elles sont reconnues pour être de très grande qualité, donc on peut en être fiers, c’est vraiment une histoire à succès», lance la fonctionnaire.

Si les huîtres néo-brunswickoises jouissent aujourd’hui de cette réputation, c’est grâce au travail acharné de centaines d’acteurs du milieu, dit Martin Mallet, copropriétaire des Huîtres Mallet Oysters, une entreprise de la région de Shippagan.

«Il a fallu des décennies de recherche et de développement pour en arriver là. Pendant toute cette phase embryonnaire, on a heureusement pu compter sur l’appui du gouvernement et de gens dévoués au sein de différents ministères qui ont consacré leur carrière à notre industrie», dit-il.

Surtout, ajoute-t-il, l’industrie ostréicole a pu fleurir parce que Fredericton a visé juste en ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier.

«Je crois que c’est parce qu’on a soutenu les besoins de toute l’industrie en investissant dans différents projets de différents producteurs que nous avons été capables, au fil des ans, de bâtir ce succès», analyse M. Mallet.

 

La menace des changements climatiques

Les changements climatiques perturberont grandement la vie sur les côtes du Nouveau-Brunswick, un phénomène qui pourrait aussi avoir un impact considérable sur l’industrie ostréicole.

Les scientifiques nous avertissent depuis longtemps que le N.-B. ne serait pas épargné. Plusieurs des impacts prédits se font d’ailleurs déjà sentir dans la province, notamment des événements météo extrêmes plus fréquents, le réchauffement et l’augmentation du niveau de la mer et l’érosion des côtes.

Des acteurs de l’industrie ostréicole disent aussi être inquiets des impacts que cela aura sur leur industrie.

«C’est sûr que ça nous inquiète parce que les cultivateurs d’huîtres dépendent de leur environnement», dit Martin Mallet, copropriétaire des Huîtres Mallet Oysters, près de Shippagan.

Une huître résiliente

L’huître américaine (Crassostrea virginica) est la seule espèce en élevage au Nouveau-Brunswick. Son aire de répartition s’étend du golfe du Mexique jusqu’au golfe du Saint-Laurent et peut donc vivre dans des eaux dont la température varie entre -2°C et 36°C.

La mer qui se réchauffe au N.-B. avec le changement du climat ne devrait donc pas empêcher nos huîtres d’y vivre.

Cela ne signifie pas pour autant qu’une eau plus chaude ne s’accompagnera pas de problèmes pour elles. En effet, de nombreux micro-organismes – virus, bactéries, parasites et champignons – pourraient y proliférer et mener à l’apparition de nouvelles maladies chez les mollusques.

L’autre problème, c’est la prolifération de bactéries potentiellement néfastes pour la santé humaine, chose que Santé Canada surveille de près.

Cet été, des huîtres néo-brunswickoises contaminées à la Salmonelle ont fait l’objet d’un rappel. L’agence fédérale suit aussi de potentielles éclosions de Vibrio parahaemolyticus, des bactéries qui produisent des toxines pouvant causer des complications graves chez les personnes qui en consomment. Une éclosion avait notamment été signalée dans la province en 2018 à la suite de neuf cas d’infection confirmés.

Valorès, un institut de recherche basé à Shippagan, vient de lancer un projet de recherche afin de mieux comprendre l’impact qu’aura le changement climatique sur la présence de ces bactéries pathogènes dans les élevages d’huîtres de la province.

Financé par le Fonds en fiducie pour l’environnement du N.-B., le but premier du projet est de faire un état des lieux des contaminations, explique Thibaut Peterlini, chercheur en microbiologie et en salubrité et science des aliments à l’Institut Valorès.

«On sait que ces bactéries sont présentes, mais on ne sait pas comment et pourquoi. On aimerait regarder quels sont les impacts des changements climatiques sur les concentrations de ces bactéries. Est-ce qu’on va en avoir de plus en plus avec l’augmentation de la température de l’eau ou à certaines saisons? Comment s’en débarrasser, peut-être ce sera plus complexe, mais l’idée c’est de trouver des manières de s’adapter.»

L’institut de recherche ne compte toutefois pas s’arrêter là, dit Andréa Lebel, une professionnelle de recherche en science des aliments et en développement durable chez Valorès.

«On a déjà d’autres idées. On aimerait aller dans des projets de plus grande envergure afin d’élargir nos champs de recherche, mais toujours en restant dans les thématiques des changements climatiques et la culture des huîtres au Nouveau-Brunswick», dit-elle.

Il est fort à parier que le changement du climat aura d’autres impacts sur l’industrie ostréicole.

Ce genre d’impact se fait déjà sentir dans des élevages d’huîtres ailleurs sur la planète, dit Réjean Tremblay, professeur à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski à l’Université du Québec à Rimouski.

Des eaux plus chaudes peuvent notamment réduire la présence de la nourriture consommée par les huîtres. Il y a trois ans,

M. Tremblay a pu en faire le constat dans le cadre d’un projet de recherche mené avec des collègues français sur des élevages en France.

«En 2019, comme cette année, il y a eu une grosse vague de chaleur en France et ç’a causé de la mortalité d’huîtres, mais ce n’était pas parce que la température de l’eau était trop élevée pour elles, explique le spécialiste en écophysiologie et en aquaculture. C’est plutôt parce qu’il y a eu des changements des communautés phytoplanctoniques dans l’eau. Donc la nourriture qui était disponible pour les huîtres était moins bien assimilée.»

Combiné avec une plus grande présence de bactéries pathogènes pour les huîtres, cette situation a mené à une forte mortalité dans les élevages français, dit Réjean Tremblay. Et le Nouveau-Brunswick n’est pas à l’abri d’une situation semblable.

«La communauté de phytoplancton change en raison du réchauffement du climat, dit-il. Peut-être qu’il va y avoir des espèces qui seront moins favorables pour le développement des huîtres, ce sont des questions que l’on se pose et qu’on étudie.»

 

Une industrie à la fine pointe de la technologie

Maintenant que l’ostréiculture est bien implantée au Nouveau-Brunswick, les acteurs de cette industrie ne comptent pas s’asseoir sur leurs lauriers. Des projets de recherche à la fine pointe de la technologie sont en cours afin d’assurer la pérennité des élevages d’huîtres de la province.

Depuis sa fondation dans les années 1970, l’entreprise Huîtres Mallet Oysters, située dans la région de Shippagan, continue d’innover afin de développer l’élevage de ces mollusques le long des côtes acadiennes.

S’ils ont joué un rôle important dans la mise en place des techniques de captage de naissains aujourd’hui utilisées dans la province, les Mallet ont aussi mis sur pied une écloserie d’huîtres, la plus grande des Maritimes.

Plutôt que de capter des huîtres juvéniles en nature, l’écloserie permet de mieux planifier la production.

«À mesure que les entreprises grossissent, elles ont besoin d’un approvisionnement plus sûr parce qu’avec la collecte en milieu naturel, il peut y avoir de bonnes années comme des mauvaises.

L’écloserie nous aide à assurer une certaine fiabilité», explique Martin Mallet, responsable de l’écloserie et de la production de semence de l’entreprise.

Des huîtres mieux adaptées

Les innovations des Huîtres Mallet Oysters ne s’arrêtent toutefois pas là.

Depuis 2015, M. Mallet, qui est aussi copropriétaire de l’entreprise, s’est lancé dans un programme de reproduction sélective afin de croiser des populations d’huîtres de différentes régions du Nouveau-Brunswick. L’espoir, c’est d’obtenir des huîtres ayant des caractéristiques plus intéressantes pour les éleveurs.

Cette approche pourrait par exemple permettre de développer de nouvelles populations dotées d’une chair de meilleure qualité tout en arrivant à maturité plus rapidement.

En 2019, une étude génomique, qui bénéficie d’un soutien financier de 3,8 millions $ de la part de Génome Canada, a aussi été lancée afin de déterminer si les croisements effectués par l’entreprise disposent des caractéristiques recherchées. Cet effort de recherche est notamment mené en collaboration avec des scientifiques de l’Université Laval et de l’Université du Chili.

«On a tout un processus de sélection et de validation qui va nous permettre de mesurer leur croissance, leur tenue en chaire et à partir de ça, on va pouvoir choisir les plus performantes, précise M. Mallet, qui détient aussi un doctorat en biologie évolutive. Cette année, ce sera probablement la première année où on va mettre du naissain issu de ce projet en production commerciale.»

Exploiter les variations génétiques présentes dans les populations d’huîtres de la province pourrait avoir des retombées intéressantes pour l’industrie ostréicole, notamment en lui permettant de faire face à l’apparition de nouvelles maladies.

Le Nouveau-Brunswick a déjà été témoin de l’importance de cette variabilité. En effet, ce sont les variations génétiques naturellement présentes dans les huîtres néo-brunswickoises qui leur ont permis de survivre à la maladie de Malpèque, un agent pathogène ayant dévasté la quasi-totalité de la population dans les années 1960.

«Ce qui a causé la maladie de Malpèque existe toujours parce qu’occasionnellement, on trouve des huîtres qui semblent être affectées, même si elles ne meurent pas parce qu’elles sont résistantes.

Si on prend des huîtres d’une zone où cette maladie n’a jamais été présente et qu’on les met dans nos eaux, elles ne survivent pas», raconte M. Mallet.

Bien que la cause de la maladie de Malpèque demeure inconnue, les spécialistes soupçonnent qu’elle est apparue à la suite de l’introduction d’huîtres du Pacifique dans les eaux de l’Île-du-Prince-Édouard.

«Si l’on fait face à une très grosse épreuve, par exemple une nouvelle maladie, nous aurons déjà un programme de sélection, toute l’infrastructure scientifique est en place pour y répondre. C’est une des raisons qu’on s’est lancé dans ce projet, c’est une manière de nous donner plus de résilience.»

 

Quel impact a la culture des huîtres sur les écosystèmes?

Alors que des élevages d’huîtres ont mené à des impacts négatifs sur les écosystèmes ailleurs sur la planète, des spécialistes se font rassurants quant aux effets de l’industrie ostréicole du Nouveau-Brunswick sur l’environnement: les erreurs commises ailleurs ont servi de leçon.

Dans certaines régions du monde, des élevages d’huîtres trop intensifs ont nui aux écosystèmes où ils avaient lieu.

Ces mollusques se nourrissent en filtrant l’eau qui contient leur nourriture, soit des plantes microscopiques, le phytoplancton.

Lorsque les huîtres sont présentes en trop grande quantité, elles peuvent donc entrer en compétition avec d’autres organismes marins qui dépendent de la même nourriture, dit Réjean Tremblay, professeur à l’Institut des sciences de la mer à l’Université du Québec à Rimouski.

«Les huîtres se nourrissent du phytoplancton présent dans la colonne d’eau. S’il y a vraiment trop d’huîtres, elles peuvent diminuer la population de façon assez importante pour que ça ait un impact négatif sur le reste de l’écosystème», dit-il.

La trop forte présence des déchets produits par l’huître, consommés par certaines bactéries présentes dans l’eau, peut aussi créer des situations d’hypoxie, un manque d’oxygène nuisible pour le reste de la vie aquatique, ajoute-t-il.

Une bonne gestion

Si des études menées aux États-Unis et en France ont pu montrer que la biomasse peut excéder la capacité de support de l’écosystème, de telles situations ne risquent pas de se produire au Nouveau-Brunswick, dit M. Tremblay.

«Ça se produit à très forte densité, dit-il. On a maintenant assez de connaissances pour gérer les habitats et éviter des surpopulations d’aquaculture comme on a pu observer en Asie ou en France.

La façon dont c’est régulé dans les baies au Nouveau-Brunswick, on contrôle assez bien la biomasse qui peut être mise en élevage, donc ça évite ce genre de problème», dit le professeur.

Marie-Josée Maillet, gestionnaire en aquaculture au ministère de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches, se fait elle aussi rassurante: la Loi sur l’aquaculture permet un bon encadrement de l’industrie ostréicole de la province.

«Les densités d’élevage sont en dessous de ce que l’on peut retrouver ailleurs dans d’autres pays. Au Nouveau-Brunswick, on a des plans de gestion par baie qui visent à s’assurer que l’on a un maximum à ne pas dépasser pour l’élevage des huîtres», dit la fonctionnaire provinciale.

Un impact positif

D’après M. Tremblay, la présence des élevages d’huîtres dans les écosystèmes du Nouveau-Brunswick peut même avoir un impact positif sur l’environnement.

«Le phytoplancton peut devenir trop abondant dans le milieu naturel, dit le chercheur. Ça arrive surtout en raison de l’accumulation d’engrais azotés dans les baies en raison d’activités humaines, par exemple à cause de l’agriculture ou les terrains de golf et les chalets où on met de l’engrais sur les pelouses. Ces engrais favorisent le développement de phytoplancton et s’il devient trop abondant et qu’il n’a pas le temps d’être mangé par d’autres organismes, quand il va mourir, il va y avoir de la dégradation bactérienne et ça va amener un manque d’oxygène dans l’eau.»

Dans une étude parue en juin, Réjean Tremblay et ses collaborateurs à Pêches et Océans Canada et l’Université Dalhousie, à Halifax, ont réussi à démontrer que la culture des huîtres peut mitiger l’impact des engrais azotés et la prolifération d’algues dont ils sont responsables.

«Les laitues de mer et les ulves deviennent parfois trop abondantes à cause de cet excès d’azote et peuvent causer toutes sortes de problèmes pour les écosystèmes. En filtrant l’eau, les huîtres sont toutefois capables d’extraire l’azote excédentaire de l’environnement et rétablir les écosystèmes», précise le chercheur.

 

L’innovation: la clé pour cultiver l’huître dans un climat nordique

Les fermes ostréicoles se sont répandus au Nouveau-Brunswick grâce à l’innovation visant à adapter les techniques d’élevage aux contraintes imposées par le climat nordique de la province.

Depuis une vingtaine d’années, l’industrie ostréicole connaît une croissance fulgurante dans la province.

D’après le ministère de l’Agriculture de l’Aquaculture et des Pêches, c’est au tournant des années 2000 que ce secteur d’activité a pris son envol.

En 2001, la province comptait 66 534 poches ostréicoles – des sacs dans lesquels on place les huîtres pour les faire grandir – le long de la côte est. En 14 ans seulement, ce chiffre est passé à 419 789. L’an dernier, il était de 679 903.

Il y a quelques décennies, il aurait pourtant été difficile de prédire une croissance aussi importante.

Une histoire d’un demi-siècle

Les Huîtres Mallet Oysters, une entreprise fondée dans la région de Shippagan en 1972, est l’une des premières à avoir tenté de commercialiser ce mollusque dans la province.

«Notre famille était l’une des premières à se lancer dans la culture des huîtres, avec quelques autres, notamment les King, à Richibouctou, raconte Martin Mallet, qui est aujourd’hui copropriétaire de l’entreprise avec son père, André, et son frère Marc-André. C’est mon grand-père, Livain, qui a lancé l’entreprise avec deux de ses amis.»

À cette époque, les techniques d’élevage étaient très différentes de celles utilisées aujourd’hui, raconte-t-il.

«La culture se faisait dans le fond de l’eau, mais il y avait beaucoup de pertes à cause des prédateurs naturels, comme les crabes», dit M. Mallet.

Les rendements pouvaient aussi être affectés par le type de fond sur lequel l’élevage avait lieu. Les ostréiculteurs perdaient, par exemple, beaucoup d’huîtres à cause de l’envasement, ce qui étouffait les mollusques.

De nouvelles techniques

Au fil des ans, les techniques ont été affinées en s’inspirant des méthodes d’élevage pratiquées ailleurs sur la planète.

«Nous avons un climat que l’on ne retrouve presque pas ailleurs dans le monde, donc il y avait beaucoup de modèles que l’on ne pouvait pas tout simplement imiter, poursuit M. Mallet. Il a vraiment fallu développer nos propres techniques et les mettre au point afin qu’elles soient adaptées à notre environnement.»

Les éleveurs ont par exemple tenté de faire l’élevage dans des sacs fixés sur des tables reposant sur le fond de l’eau, une technique utilisée en France. Plusieurs cultivateurs ont toutefois jugé cette approche comme étant inefficace puisqu’elle nécessitait trop de manutention.

Dans les années 1990, les essais de poches ostréicoles flottantes ont changé la donne.

Ces sacs de plastique rigides, dotés de bouées cylindriques de chaque côté, assurent le maintien des mollusques dans couche d’eau de surface plus chaude et riche en phytoplancton, ces algues microscopiques consommées par les huîtres lorsqu’elles filtrent l’eau.

Cette approche a notamment permis de réduire la prédation et les pertes des ostréiculteurs, tout en réduisant le temps de croissance nécessaire afin que les huîtres atteignent leur maturité.

De nos jours, on utilise surtout des cages flottantes où sont insérées six poches ostréicoles. Cette technique, imaginée et conçue par des ostréiculteurs néo-brunswickois, consiste à fixer des flotteurs sous la cage plutôt que sur les côtés.

Cette innovation a grandement facilité le travail des producteurs, témoigne Mauril Bastarache, propriétaire de Bastarache Bay Oysters, un élevage situé dans la baie de Bouctouche.

«Avec le système des tables, il fallait attendre la marée basse afin que le soleil tue les espèces indésirables (huîtres, moules et balanes) qui s’accrochent aux huîtres, aux sacs et aux tables, a témoigné M. Bastarache lorsque l’Acadie Nouvelle lui a rendu visite en juillet. Maintenant, on a juste à retourner les cages flottantes.»

L’ostréiculteur a lancé son élevage il y a une vingtaine d’années, à peu près au même moment que ce secteur commençait à prendre de l’expansion.

«Quand j’ai commencé, il y avait pas mal moins d’éleveurs dans la baie. L’industrie s’est beaucoup développée dans la région et ça emploie pas mal de gens», mentionne M. Bastarache, qui emploie neuf travailleurs saisonniers dans son exploitation ostréicole.

Bien que sa production représente considérablement de travail, Mauril Bastarache dit en être fière.

«La qualité des huîtres dans la baie de Bouctouche et les environs est reconnue à travers le monde», dit-il avec fierté.

Élever ses huîtres en milieu naturel

Si la baie de Bouctouche compte aujourd’hui des milliers de cages d’élevage, on y retrouve presque autant de collecteurs.

Ces structures de plastique, qui rappellent la forme d’un chapeau chinois, sont empilées les unes par-dessus les autres et recouvertes d’un mélange de ciment de chaux et de sable où s’accrochent les larves d’huîtres.

Cette technique de captage a été apportée au Nouveau-Brunswick par le grand-père de Martin Mallet à la suite d’un séjour effectué en France dans les années 1970.

«Il s’était dit que ça pouvait marcher ici et ces collecteurs sont encore utilisés de nos jours, sous différentes formes, partout dans la province», précise M. Mallet.

Mauril Bastarache, un ostréiculteur du sud-est du Nouveau-Brunswick, a environ 1200 de ces collecteurs installés dans la baie de Bouctouche, des équipements qui lui permettent de renouveler sa production d’huîtres.

Les collecteurs sont habituellement mis à l’eau en juillet, quelques semaines après la reproduction des huîtres, un phénomène déclenché lorsque la température de l’eau atteint environ 20°C. Les larves d’huîtres, qui se promènent au gré des courants, se fixent aux colonnes de chapeaux lorsqu’elles atteignent une taille de 0,3 mm.

Les petites huîtres attrapées pendant l’été, que l’on appelle des naissains, grossissent sur les collecteurs jusqu’à l’automne pour ensuite être transférées dans des poches d’élevages.

Quand les jours froids commencent à s’installer, le métabolisme des huîtres ralentit. Elles cessent complètement de se nourrir quand la température de l’eau est de moins de 4°C. Les ostréiculteurs submergent alors leurs poches d’élevage sous l’eau, à l’abri des glaces, afin qu’elles y passent l’hiver.

Partager
Tweeter
Envoyer