François Gravel, éditorialiste
Discours du trône: un gouvernement qui ne veut pas agir
Tout va bien au Nouveau-Brunswick et c’est grâce au gouvernement de Blaine Higgs. Les rares problèmes qui persistent se régleront soit tout seuls, soit à travers d’éventuelles baisses d’impôt ou grâce aux revenus tirés de l’industrie du gaz de schiste. Voilà ce que nous devons retenir du discours du Trône de mardi.
Par la voix de la lieutenante-gouverneure Brenda Murphy, le premier ministre avait un message à transmettre à la population: jamais le Nouveau-Brunswick n’a été dans une meilleure position. Il vante la hausse des revenus et celle de la population, même s’il a bien peu à voir avec cela. Il salue la résilience des Néo-Brunswickois pendant la pandémie, alors que son gouvernement a été le plus chiche de tout le Canada. Et il applaudit les surplus budgétaires historiques dégagés au cours des dernières années, même si ceux-ci ont été réalisés en raison du refus du gouvernement de venir en aide à une population qui en a bien besoin.
Ce discours du trône n’est pas une vision d’avenir. C’est un bilan rédigé avec des lunettes roses.
Le Nouveau-Brunswick fait face à trois crises: 1) une pénurie de personnel dans les hôpitaux 2) un manque de logements abordables 3) une hausse du coût de la vie. À cela s’ajoutent divers problèmes causés par le gouvernement lui-même: refus de renforcer la Loi sur les langues officielles, volonté d’éliminer à tout prix l’immersion française, absence de stratégie en lien avec la hausse à venir des tarifs d’électricité et des évaluations foncières, etc.
Le discours du trône se doit d’être évalué sur la façon dont le gouvernement Higgs prévoit agir dans ces différents dossiers. Il ne mérite pas la note E pour échec, mais I pour indifférence.
Pour résumer, le gouvernement estime en faire déjà bien assez et croit que peu de nouvelles initiatives seront nécessaires, outre quelques baisses d’impôt qu’il se garde bien de chiffrer.
En lisant ce discours, nous avons l’impression d’être revenus à 2018, quand les progressistes-conservateurs ont pris le pouvoir à Fredericton. Blaine Higgs voulait alors (dans l’ordre) réaliser des surplus budgétaires, diminuer les impôts, réduire la facture foncière des propriétaires d’une résidence secondaire ainsi que promouvoir l’industrie du gaz de schiste.
C’était une époque où il n’y avait pas de pandémie et où l’inflation était à son plus bas niveau. Le monde a changé, mais pas la vision du premier ministre.
Prenons l’accès au logement. Le gouvernement utilise le discours du trône pour vanter en long et en large son bilan des dernières années. Bonne nouvelle, il prévoit – enfin! – offrir des incitatifs aux promoteurs immobiliers afin de construire plus de logements. Le tout est cependant résumé dans une ligne, sans aucune précision à savoir quand ces initiatives seront mises en place, quelles formes elles prendront, quels sont les objectifs du gouvernement, etc. Tout le reste de cette section est consacré à vanter les programmes existants et les annonces des derniers mois. Il n’y a rien du tout à propos du plafonnement du prix des loyers, qui doit pourtant expirer à la fin de l’année.
Même promesse vague en lien avec le prix de l’essence. Le gouvernement Higgs ne voit pas l’intérêt d’utiliser ses surplus pour aider la population. Il propose plutôt de permettre à la Commission de l’énergie et des services publics de veiller à fixer les prix «de manière stable et efficace». Ça ne coûte pas cher et ça permet au gouvernement de donner l’illusion d’avoir un plan d’action.
Le ton est le même en ce qui a trait à la pénurie de personnel en santé. Fredericton se contente de vanter les mérites de ses décisions passées et promet quelques initiatives peu coûteuses, par exemple d’élargir le rôle du Conseil de santé.
On ne retrouve rien en lien avec l’élimination du programme d’immersion française, un dossier qui est pourtant en train de faire mal aux progressistes-conservateurs dans le Nouveau-Brunswick anglophone. Aux francophones, il y va d’une autre promesse vague en éducation: «votre gouvernement se penchera sur les changements à apporter éventuellement».
Le discours du trône est par contre plus explicite en ce qui a trait aux véritables priorités de Blaine Higgs. Un long chapitre est consacré à la réduction de la criminalité, un dossier qui a été confié au nouveau ministre Kris Austin. Le discours traite aussi en détail des appétits du premier ministre en ce qui a trait au gaz de schiste et aux miniréacteurs nucléaires.
Le gouvernement Higgs a amplement les moyens de faire une différence positive dans la vie des gens. Ce discours du trône nous répète ce que nous savions déjà, c’est-à-dire qu’il n’a pas cette ambition.