François Gravel, éditorialiste
Ce gouvernement travaille contre vous
Il existe différents signes montrant qu’un gouvernement est atteint de cette maladie inévitable et incurable qu’est l’usure du pouvoir. L’arrogance, l’incapacité de faire la différence entre le parti et le gouvernement de même qu’un décalage grandissant entre les intérêts politiques et ceux de la population font partie des symptômes les plus communs. Le gouvernement Higgs est atteint. Et le mal empire rapidement.
Le programme d’immersion française est très apprécié au N.-B., notamment parce que de nombreux anglophones croient au mythe voulant qu’il faille absolument être bilingue pour espérer travailler un jour dans la fonction publique. Un mythe qui est propagé par le premier ministre lui-même, Blaine Higgs, ainsi que son ministre et proche collaborateur Kris Austin, lesquels rêvent de réduire les exigences linguistiques imposées aux fonctionnaires.
Les derniers jours n’ont pas été faciles pour le ministre de l’Éducation, Bill Hogan, qui est pris à défendre une décision extrêmement impopulaire qui lui a été imposée par son patron (le premier ministre Higgs) et à laquelle il ne croit sans doute pas lui-même. Les rencontres de consultation qu’il a présidé cette semaine ont servi de défouloir aux parents.
La décision d’abolir le programme d’immersion met en lumière l’usure du pouvoir qui gangrène ce gouvernement.
Elle est en effet un rappel de l’arrogance du premier ministre qui a décrété qu’il fallait procéder avec le charcutage du programme le plus rapidement possible. La décision a été imposée en fonction des intérêts du chef, au mépris des données qui lui dictaient pourtant d’agir autrement, mais qui ont été balayées d’un «data my ass» à jamais associé à M. Higgs.
Enfin, elle a été prise en sous-estimant la grogne qui l’accompagnerait inévitablement. On devine que les stratèges progressistes-conservateurs ont cru que les manchettes négatives s’estomperaient après 24 heures. La forte résistance est au contraire en train d’ébranler le gouvernement Higgs.
La façon dont se déroule le débat sur l’immersion confirme une nouvelle fois que cette administration n’hésite pas à œuvrer contre les intérêts de la population qu’elle soutient pourtant desservir. C’est un trait qui s’est révélé à quelques reprises depuis que Blaine Higgs est à la tête de la province.
En 2021, le gouvernement Higgs a travaillé secrètement en étroite collaboration avec Irving Oil afin de convaincre la Commission de l’énergie et des services publics du N.-B. de permettre rapidement au géant pétrolier d’augmenter ses marges de profits. L’intérêt des simples citoyens était alors bien loin des préoccupations du premier ministre.
Autre exemple plus récent. Les conservateurs ont mis fin au 1er janvier au plafonnement sur l’augmentation des loyers. Ils abandonnent ainsi à leur sort des milliers de locataires désormais à la merci de l’avarice de certains propriétaires d’édifices à logement.
Cette semaine, le média indépendant Canadaland a rendu publiques des révélations troublantes en lien avec la façon dont le gouvernement a géré le dossier de la «maladie mystérieuse», ce mal inconnu qui touche des dizaines de Néo-Brunswickois.
Grâce à des milliers de documents obtenus par la Loi sur l’accès à l’information, Canadaland a découvert que le ministère de la Santé, alors dirigé par la ministre Dorothy Shephard, voulait surtout découvrir s’il y avait ou non une nouvelle maladie dans la province, mais ne tenait pas à savoir si des causes environnementales étaient derrière le problème.
Fredericton a ensuite mis fin abruptement et sans explication à toute collaboration entre les scientifiques provinciaux et fédéraux. Ottawa a offert 5 millions $ au N.-B. afin de mieux étudier la grappe de citoyens atteints et de découvrir les causes possibles. L’offre a été rejetée.
La province a de plus cessé de recenser les cas de «maladie mystérieuse», et ce, même en sachant que le nombre de personnes atteintes continue d’augmenter. C’est plus facile de balayer un problème sous le tapis quand il n’y a pas de données pour l’étayer, une stratégie qui a été utilisée avec succès pendant la pandémie.
Mises ensemble, ces décisions permettent de peindre le portrait d’un gouvernement déconnecté des intérêts des citoyens. Pas étonnant que ses taux de satisfaction et de popularité se soient effondrés.
Le premier ministre Blaine Higgs a perdu le sens des priorités. Les Néo-Brunswickois subiront les effets négatifs de ses actions longtemps après qu’il aura pris sa retraite de la politique. Il doit partir avant de causer plus de dommages et d’entraîner son parti dans sa chute.