La sortie publique d’un ministre québécois qui a partagé ses préoccupations par rapport à la façon dont sont traités les Acadiens par le gouvernement du Nouveau-Brunswick mérite d’être soulignée. Si cette déclaration n’a aucun impact sur le terrain ni à Fredericton, elle n’est pas inutile et doit être accueillie positivement.

Jean-François Roberge est ministre de la Langue française du Québec. Il est aussi le ministre des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, en plus d’avoir été jusqu’à tout récemment titulaire du portefeuille de l’Éducation. Toutes des responsabilités qui le rendent susceptible de s’intéresser de loin à l’Acadie.

La semaine dernière, M. Roberge a participé à une conférence de presse pendant laquelle il a annoncé le déploiement d’une offensive pour mettre fin au déclin de la langue française au Québec. C’est dans le cadre de cette sortie médiatique qu’un journaliste lui a demandé s’il allait «défendre les Acadiens au Nouveau-Brunswick» alors que «le gouvernement Higgs attaque actuellement de plein fouet les droits des francophones».

Le ministre a répondu analyser la situation de près afin de déterminer «la meilleure façon d’agir». Deux fois plutôt qu’une, il a partagé son inquiétude, avant de toutefois préciser que le Québec ne peut pas s’ingérer dans la gestion d’une autre province.

Cet échange n’est pas sorti de nulle part. La veille, le premier ministre du Québec, François Legault, déclarait devant un parterre de militants caquistes qu’il se voyait comme le défenseur de la langue française en Amérique du Nord et que c’est là aussi le rôle du Québec, en tant que seul État du continent peuplé majoritairement de francophones.

Comment interpréter ces deux sorties?

Il ne faut d’abord pas faire l’erreur d’exagérer leur importance. Les déclarations de Jean-François Roberge sont passées sous silence au Québec, les médias ayant plutôt couvert le lancement de ce que le gouvernement de cette province qualifie de grand chantier pour l’avenir de la langue française.

De plus, le ministre a bien choisi ses mots. Il a dit être inquiet. Il a exprimé l’intention de trouver la meilleure façon d’agir, sans s’ingérer dans les affaires internes du Nouveau-Brunswick. En termes plus clairs, ne vous attendez pas à le voir débarquer cette semaine à Fredericton pour tirer les oreilles du premier ministre Blaine Higgs.

Ce n’est de toute façon pas ce que nous désirons. L’Acadie n’a pas besoin d’être sauvée par le Québec. Nous avons toujours réussi à faire notre bout de chemin et à défendre nos droits, parfois avec l’appui moral et tacite de notre voisin, mais aussi souvent malgré son indifférence.

Cela dit, il y a une chose qui ne changera jamais: l’Acadie a besoin d’alliés. Encore plus quand nous faisons face à un gouvernement hostile à nos aspirations, comme c’est le cas à Fredericton avec un premier ministre issu du Confederation of Regions et un ministre (Kris Austin) qui a fondé la People’s Alliance. Cela rend d’autant plus ridicule la petite danse de Saint-Guy effectuée par la Société de l’Acadie du N.-B., pendant la campagne électorale de 2021, quand elle accepté de recevoir le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, avant de changer d’idée quand l’élite libérale acadienne a levé le ton.

Les Acadiens ne sont pas une minorité francophone comme les autres, en raison de notre poids démographique dans la province ainsi que des protections législatives et constitutionnelles arrachées au fil du temps.

C’est ce qui explique que le gouvernement Higgs a échoué à éliminer des exigences linguistiques auxquelles est soumise Ambulance NB ou qu’il a commandé une analyse juridique afin de déterminer s’il pouvait imposer un système de transport scolaire privé et bilingue, mais sans passer à l’acte. Et n’en doutez pas, le commissariat aux langues officielles du N.-B. ne ferait pas long feu si M. Higgs avait les mains libres.

Il est important que les enjeux acadiens résonnent à l’extérieur des frontières néo-brunswickoises. Si le premier ministre Justin Trudeau avait été sensibilisé en 2019 aux défis qui sont les nôtres, il n’aurait jamais nommé une lieutenante-gouverneure unilingue.

L’avenir du fait français en Acadie ne passe pas par le bureau de François Legault. Néanmoins, dans le contexte actuel, chaque voix qui a l’audace de s’élever en appui aux droits des francophones en milieu minoritaire a son importance, y compris celles en provenance du Québec.

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle