Le programme d’immersion française ne sera pas aboli comme cela était prévu. Une volte-face qui s’imposait, mais qui est une humiliation pour le premier ministre Blaine Higgs, lequel a consacré une bonne partie de son engagement politique à tenter d’affaiblir ce programme apprécié de la population.

Il est difficile de surestimer l’importance de l’annonce effectuée vendredi midi par le ministre de l’Éducation, Bill Hogan. C’est le recul le plus important de ce gouvernement depuis qu’il s’est retrouvé à la tête d’une majorité, après les élections de 2020.

Le premier ministre Blaine Higgs fait une fixation à propos du programme d’immersion française depuis des années. Il a mené la bataille contre le gouvernement Gallant quand celui-ci a ramené le point d’entrée d’immersion de la 3e à la première année scolaire. Aussitôt devenu chef de l’opposition en 2016, Blaine Higgs a consacré l’essentiel de son temps de parole lors de ses premières périodes des questions à dénoncer le plan libéral.

L’année dernière, il a été jusqu’à provoquer une crise politique en congédiant son ministre de l’Éducation, Dominic Cardy, parce que celui-ci a refusé de respecter le calendrier arbitraire voulu par son chef.

Il souhaitait mettre en place en catastrophe dès septembre un nouveau programme qui n’a pas fait ses preuves, qui suscite la colère des parents et malgré un nombre insuffisant d’enseignants formés et de ressources pour y arriver. Tout ça dans le but avoué de mettre tout le monde devant le fait accompli avant le scrutin de 2024. Une véritable folie.

La semaine dernière, lors de son Discours sur l’état de la province, Blaine Higgs a dénoncé les partis politiques qui promettent d’annuler ses décisions. Il fait preuve d’arrogance en soutenant ne pas prendre ses décisions «en fonction du prochain scrutin» mais plutôt «en fonction des prochaines générations».

À peine quelques jours plus tard, le recul est complet. Le gouvernement abandonne sa vision d’un système unique pour tous les élèves anglophones à 50% en français et rétablit l’inscription à l’immersion française à compter de la première année.

Que s’est-il passé? Le premier ministre Higgs sent la soupe chaude. Son Discours sur l’état de la province, son ton triomphaliste et les pas de danse qui ont suivi ont été mal accueillis par plusieurs, y compris au sein même du Parti progressiste-conservateur. Cela survient alors que le taux d’insatisfaction du gouvernement est élevé et que les intentions de vote à son endroit sont en chute libre.

Surtout, la résistance était devenue trop forte. À partir du moment où le ministre Hogan, puis M. Higgs lui-même, ont reconnu que le plan n’était plus coulé dans le béton, il était clair que le gouvernement n’aurait plus d’autre choix que de battre en retraite.

Cette volonté de se remettre en phase avec l’électorat, à un an et demi des prochaines élections, explique aussi le virage qui a mené, jeudi, à la décision d’adopter le plan fédéral de tarification du carbone. Cela aura pour conséquence d’accorder aux Néo-Brunswickois des remboursements pouvant totaliser jusqu’aux environs de 1000$ par année, une autre initiative à laquelle Blaine Higgs est techniquement toujours opposé, même s’il a fini par donner son accord.

La crainte de la colère de l’électorat est un puissant antidote à l’idéologie.

Il reste maintenant à voir quel impact ce camouflet aura sur le leadership et l’autorité du chef. Ce n’est pas son premier échec. Celui-ci est toutefois le plus personnel. Il ne pourra pas blâmer les autres pour ses propres erreurs de jugement, comme il l’a fait au moment d’abandonner sa tentative de fermer les urgences de nuit dans les hôpitaux ruraux en février 2020.

En mettant fin à ses efforts pour abolir l’immersion, M. Higgs diminue la grogne à l’endroit de son gouvernement. Le lien de confiance est toutefois brisé. Le programme électoral de 2020 des progressistes-conservateurs ne faisait aucune mention d’une volonté d’éliminer l’immersion. Le premier ministre a ensuite joué son va-tout et il a perdu. Il existera désormais toujours chez les électeurs une inquiétude de le voir effectuer une autre attaque contre l’immersion s’il est réélu l’année prochaine à la tête d’une nouvelle majorité.

Ce recul tardif mais nécessaire ne dissimule pas le fait que Blaine Higgs a perdu le peu de crédibilité qui lui restait. Il doit démissionner et laisser sa place à un successeur qui n’aura pas perdu la confiance des Néo-Brunswickois.

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle