En déposant un projet de loi visant à obliger les entreprises de juridiction provinciale à payer 10 jours de maladie par année, le Parti vert a lancé un débat important. Est-ce bien le rôle des gouvernements d’imposer des conditions de travail – ou, dans ce cas-ci, d’absence – au sein du secteur privé?

Le projet de loi du Parti vert a peu de chances d’être adopté. Encore plus si cela implique des fonds publics, comme cela est proposé. Notons tout de même que le gouvernement a permis que le projet de loi soit révisé par le Comité permanent de modification des lois, ce qui est une rareté à Fredericton. Il a ensuite été renvoyé au ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail pour une étude plus approfondie.

Il n’a donc pas été rejeté de facto par la majorité progressiste-conservatrice comme on aurait pu s’y attendre. Est-ce à dire que le gouvernement Higgs, qui a décrété dans les derniers mois d’importantes augmentations du salaire minimum et qui ressent ces jours-ci une urgence de se montrer sous un jour plus favorable auprès des électeurs, pourrait après tout se laisser tenter?

Au Nouveau-Brunswick, la loi garantit cinq jours de congé non payés pour tout employé en cas de maladie. Vous ne vous sentez pas bien et préférez rester à la maison? Ce sera à vos frais.

Dans les faits, plusieurs employeurs offrent quand même un certain nombre d’heures payées à leur personnel en cas de maladie. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante estime que 37% de ses membres offrent déjà des congés de ce type, quoique pas nécessairement autant que ce que propose le Parti vert. L’organisme lance toutefois un avertissement: 79% de ses membres n’ont pas les moyens d’en offrir plus.

Il faut accueillir ces commentaires avec un grain de sel. Les porte-voix du patronat annoncent l’Apocalypse chaque fois que des propositions sont présentées afin d’améliorer le bien-être des travailleurs. Pourtant, aux dernières nouvelles, l’économie néo-brunswickoise ne s’est pas encore effondrée.

Cela ne signifie toutefois pas que les gouvernements doivent agir sur des coups de tête, sans se préoccuper des répercussions.

En ce sens, nous approuvons la prudence du gouvernement provincial, lequel préfère cette fois-ci se donner du temps pour étudier l’impact de cette proposition.

Il existe une certaine pression sur le gouvernement pour qu’il agisse. Et pas seulement en provenance des députés verts.

L’enjeu des congés de maladie a gagné en importance depuis le début de la pandémie. Du jour au lendemain, des travailleurs atteints de la COVID-19 se sont retrouvés devant un choix cornélien: perdre une journée de salaire ou risquer de propager auprès de ses collègues un virus potentiellement mortel.

Le gouvernement du Canada a choisi son camp. Depuis décembre 2022, tous les travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale ont droit à 10 jours de congé rémunéré pour raisons médicales chaque année. Ottawa estime que la mesure touche plus d’un million de personnes. Les provinces sont invitées à suivre cet exemple, ce qui ne fait pas l’affaire de tous.

Le député provincial Ross Wetmore a dit tout haut ce que plusieurs entrepreneurs pensent tout bas la semaine dernière, lorsqu’il a dénoncé le projet de loi du Parti vert à Fredericton. Cet ancien propriétaire d’entreprises dénonce le fait que «chaque jour le gouvernement me disait à quel prix je pouvais vendre du lait, à quel prix je pouvais vendre de l’essence. Et maintenant, le gouvernement va me dire que nous devons donner des congés de maladie payés?».

Cette sortie abracadabrante d’un élu qui semble bien peu se soucier des intérêts de ses électeurs et qui jouit lui-même d’excellentes conditions d’emploi financées à même les impôts des contribuables peut sembler étonnante. Elle démontre toutefois un état d’esprit et des préoccupations qui sont bien réelles. Dans les milieux syndiqués, les directeurs craignent ceux qui se font un devoir d’utiliser à peu près toutes leurs journées de maladie «pour ne pas les perdre».

Cela dit, le fait que des travailleurs néo-brunswickois n’aient droit, encore aujourd’hui, à aucune journée de maladie payée est déraisonnable. La loi provinciale devrait-elle en prévoir dix, comme le propose David Coon et comme le garantit la loi fédérale? Un compromis est-il possible? Fredericton devrait-il dédommager financièrement les employeurs s’il leur impose cette nouvelle obligation? Tout doit être sur la table afin de tenir compte des besoins des entrepreneurs, mais sans que cela se fasse au détriment des employés.

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