La Chine veut être considérée comme une superpuissance mondiale, au même titre que les États-Unis. Pour y arriver, elle utilise tout un arsenal afin d’accroître son influence idéologique et économique. Le Canada et par extension le Nouveau-Brunswick perdent en même temps une certaine innocence devant ce géant communiste.

Le Nouveau-Brunswick a été surprenamment parmi les premières administrations au Canada à se préoccuper des intentions chinoises. Il a mis fin en 2022 aux cours de mandarin et de culture chinoise de l’Institut Confucius qui étaient offerts dans le système scolaire anglophone.

Certains voient l’Institut Confucius comme étant un outil de propagande pour le compte du Parti communiste chinois. «Leur travail consiste à créer un visage amical et joyeux pour un gouvernement qui est responsable de plus de décès que presque tous les autres dans l’histoire de notre espèce», avait confié le ministre de l’Éducation de l’époque, Dominic Cardy, au moment de justifier l’abolition du programme.

Cette réaction musclée était le fruit de l’action isolée d’un ministre qui en menait large à Fredericton; pas celle d’un gouvernement déterminé à s’ériger en rempart contre Pékin. Nous en avons eu la preuve dans les dernières semaines lorsque Tiktok est devenue du jour au lendemain un enjeu de sécurité nationale.

TikTok est une application prisée chez les jeunes. C’est un média social, une sorte de Facebook ou d’Instagram dans lequel les utilisateurs partagent de courtes vidéos. Le gouvernement chinois possède des actions dans l’entreprise et peut forcer celle-ci à partager les données des utilisateurs.

Les États-Unis ont vu là un danger et ont interdit à leurs fonctionnaires d’utiliser l’application sur leurs outils de travail. Le gouvernement du Canada a ensuite fait de même.

Certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse, ont suivi l’exemple du fédéral sans attendre. Le Nouveau-Brunswick a plutôt été déculotté par la rapidité avec laquelle les événements se sont bousculés.

Le gouvernement Higgs a d’abord essayé de gagner du temps en affirmant évaluer la situation. Après quelques jours, le Nouveau-Brunswick était la seule province de l’Atlantique à ne pas avoir interdit TikTok sur les appareils de ses fonctionnaires et de ses députés.

Il n’y avait bien entendu rien du tout à vérifier et à contrevérifier. Il était clair dès le départ que le Nouveau-Brunswick allait rentrer dans le rang.

Cette suite d’événements laisse croire que le gouvernement Higgs n’a pas pris cette controverse au sérieux. C’est seulement quand toutes les provinces avoisinantes ont pris position qu’il a finalement ressenti l’urgence d’agir à son tour. Quelqu’un a dormi au gaz.

Il n’y a pourtant aucune raison pour cela. Avant sa démission fracassante, Dominic Cardy ne s’était pas contenté de partir en guerre contre l’Institut Confucius. Il avait aussi recommandé au conseil des ministres dont il était membre de couper tous les liens du gouvernement avec TikTok. Ses préoccupations étaient tombées dans l’oreille d’un sourd.

À la décharge de Blaine Higgs et de son équipe, ils ne sont pas les seuls à avoir tardé à prendre la Chine au sérieux. À Ottawa aussi, le dossier a longtemps été traité avec insouciance.

Le Parti libéral a depuis longtemps une politique d’ouverture devant l’empire du Milieu. Dans les années 1990, les missions commerciales du premier ministre Jean Chrétien ont connu un grand succès. Dans les années 1970, Pierre Elliott Trudeau a contribué à mettre fin à l’isolement diplomatique de la Chine en lui accordant une reconnaissance officielle.

Justin Trudeau a voulu s’inscrire dans cette même veine. Lors de ses premières années au pouvoir, son gouvernement a même tenté de négocier une entente de libre-échange avec le gouvernement chinois.

Plus récemment, nous avons appris que la Chine a tenté et possiblement réussi à influencer le cours des dernières élections fédérales. Si cette ingérence n’a pas eu pour effet de déterminer l’identité du gouvernement, elle aurait toutefois favorisé la victoire ou la défaite de quelques candidats dont les prises de position avaient attiré l’attention de Pékin.

Ne tombons pas dans la paranoïa. Nos politiciens ne sont pas des marionnettes à la solde de gouvernements étrangers, tant à Ottawa qu’à Fredericton. Ils doivent toutefois enlever leurs lunettes roses et gérer cet enjeu avec plus de sérieux qu’ils ne l’ont fait jusqu’à maintenant.

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