Le scandale des initiations a ébranlé la Ligue de hockey junior du Québec et accéléré le départ à la retraite du président Gilles Courteau. Ce n’est toutefois pas suffisant. Les équipes et les ligues de hockey doivent être tenues responsables des actes barbares et présumément criminels qui seraient survenus sous le nez de leurs dirigeants.

Le journaliste sportif Martin Leclerc a ébranlé les colonnes du temple, en février, en rédigeant une chronique intitulée La torture, le viol et l’humiliation dans un aréna près de chez vous. Il révèle, à la suite de témoignages en cour d’anciens hockeyeurs, que les trois ligues toléraient que les joueurs recrues subissent des agressions sexuelles ainsi que d’autres gestes abjects et dépravés.

Les témoignages livrés devant un juge brossent le portrait de jeunes joueurs ayant subi des initiations qui dépassent tout ce que vous pouvez imaginer en termes de dépravation. Et on ne parle pas ici d’un mauvais moment à passer. Les victimes auraient été agressées par les vétérans à répétition durant toute la saison.

Les initiations existent depuis toujours, en particulier dans le monde sportif, mais aussi dans les universités. Ces rituels sont vus comme étant une manière d’intégrer les nouveaux venus. Ceux-ci se font ridiculiser, mais ces épreuves créent en même temps des amitiés qui dureront souvent toute une vie.

Ces pratiques dérapent parfois. L’Université de Moncton avait dû mettre le pied à terre dans les années 1990 et 2000 parce que des étudiants avaient dépassé les bornes. Divers scandales avaient à la même époque ébranlé des établissements postsecondaires québécois, notamment l’Université McGill.

En 2016, l’Université de Moncton a imposé des règles strictes visant à encadrer les initiations. L’établissement interdit notamment les pratiques humiliantes et dégradantes, les jeux à connotation sexuelle, les jeux de pouvoir, le beurrage et une foule d’autres pratiques tout aussi édifiantes les unes que les autres. Les associations étudiantes avaient protesté…

Malheureusement, les dirigeants du hockey junior canadien n’ont pas su intervenir de la bonne façon.

Ces initiations relèvent-elles d’une autre époque? Ont-elles disparu? L’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Camille Thériault, a été mandaté par la Ligue canadienne de hockey afin de comprendre l’ampleur du problème. Il a cosigné en 2020 un rapport accablant qui a révélé que les comportements déviants sont la norme dans le hockey junior et qu’une loi du silence empêche les athlètes de dénoncer les abus dont ils ont été victimes. Le rapport a ensuite été tabletté.

La Ligue de hockey junior majeur du Québec compte trois équipes au Nouveau-Brunswick: le Titan d’Acadie-Bathurst, les Wildcats de Moncton et les Sea Dogs de Saint-Jean. Aucune d’entre elles n’a été directement visée par les allégations présentées en cour.

L’un des plaignants, Stephen Quirk, a toutefois joué pour les Alpines de Moncton. Cette équipe n’a existé que pendant une saison, en 1995-1996, avant de laisser place aux Wildcats. Pour Quirk, ce fut une saison de cauchemar. Les abus de toutes sortes ont été nombreux.

L’Acadie Nouvelle a tenté de parler aux anciens Alpines. Les entraîneurs de l’équipe à l’époque, Lucien Deblois et Roland Colette, ne nous ont pas accordé d’entrevue. Un silence inacceptable de la part d’adultes qui devaient protéger les jeunes dont ils étaient responsables. Le capitaine de l’équipe, Martin Latulippe, n’a pas voulu revenir non plus sur ces présumés événements. Il a par contre écrit une déclaration dans laquelle il dit être «heureux qu’on ne tolère plus des gestes qui étaient encouragés à une autre époque».

La retraite de Gilles Courteau et l’arrivée d’un nouveau commissaire, l’ancien président des Alouettes de Montréal, Mario Cecchini, représentent une occasion unique d’imposer des changements durables.

M. Cecchini doit impérativement envoyer un message clair: les initiations seront éliminées ou alors mieux encadrées, les gestes barbares ne seront plus tolérés et les joueurs, les entraîneurs et les dirigeants d’équipe qui maintiennent ce système et encouragent la loi du silence seront sanctionnés.

Nous ne pouvons pas tolérer, en tant que société, que des adolescents soient livrés en pâture aux plus bas instincts de leurs coéquipiers au nom de l’esprit d’équipe.

L’héritage de Gilles Courteau sera à jamais entaché par son laxisme. Nous nous attendons à mieux – beaucoup mieux! – de la part de son successeur.

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