La capacité du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, de se mettre les pieds dans les plats est stupéfiante. Il est encore une fois dans l’eau chaude, cette fois avec la nomination de Martine Richard à titre de commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique par intérim.

Mme Richard travaille au sein du commissariat depuis 2013. Elle a fait ses preuves depuis longtemps. Personne n’osera remettre en question ses compétences et son intégrité.

Elle est aussi la sœur de l’épouse du ministre fédéral Dominic LeBlanc. Les LeBlanc et les Richard sont des amis de longue date de la famille Trudeau. Les partis d’opposition, le chef conservateur Pierre Poilievre en tête, dénoncent cette nomination en raison de l’apparence de conflit d’intérêts. Avec raison.

Que ce soit au mérite ou grâce à la partisanerie, les proches de Dominic LeBlanc ont toujours su gravir les échelons. L’épouse de M. LeBlanc, Jolène Richard, a été nommée juge à la Cour provinciale en 2008 par le gouvernement libéral de Shawn Graham, puis juge en chef de la Cour provinciale en 2017 par le gouvernement tout aussi libéral de Brian Gallant.

En 2019, CBC a révélé que cinq des six derniers juges nommés par le gouvernement fédéral au Nouveau-Brunswick avaient des liens avec Dominic LeBlanc. Cela incluait une membre de sa belle-famille (mariée au beau-frère du ministre), son voisin ainsi que trois personnes qui l’ont aidé à rembourser une dette contractée lorsqu’il a tenté de devenir chef du Parti libéral du Canada en 2008.

Chaque fois, le gouvernement a réussi à balayer les critiques sous le tapis en insistant sur la compétence des personnes nommées et en soutenant qu’elles ne doivent pas être punies parce qu’un des leurs est politicien à Ottawa.

En 2018, M. LeBlanc a toutefois dépassé les bornes. Il s’est placé en situation de conflits d’intérêts en approuvant un permis de pêche lucratif à une entreprise dirigée par un cousin de sa femme. Le commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique a épinglé le ministre.

En nommant la belle-soeur de M. LeBlanc à la tête du commissariat sur une base intérimaire, le gouvernement Trudeau a sans doute cru que le dossier ne susciterait aucun questionnement. Au Nouveau-Brunswick, les controverses liées aux promotions des proches et des amis de la famille LeBlanc-Richard ne durent après tout jamais longtemps.

La situation est toutefois différente à Ottawa. Les chefs de l’opposition voient là une occasion d’attaquer l’intégrité du premier ministre.

Il faut dire que M. Trudeau a démontré un sens de l’éthique douteux depuis son arrivée au pouvoir. En décembre 2016, le premier ministre et sa famille ont passé leurs vacances des Fêtes sur l’île privée de l’Aga Khan, un philanthrope milliardaire dont la fondation est inscrite au registre fédéral des lobbyistes. En 2020, son gouvernement a octroyé sans appel d’offres un contrat à WE Charity, qui a rémunéré le frère, l’épouse et la mère de M. Trudeau.

Plus récemment, la nomination de l’ancien gouverneur général David Johnston à titre de rapporteur spécial pour lutter contre l’ingérence étrangère dans le processus électoral fédéral a été vertement critiquée. M. Johnston est membre du c.a. de la fondation Trudeau.

Bref, Justin Trudeau et Dominic LeBlanc traînent derrière eux de lourds bagages. Il est difficile de leur laisser encore une fois le bénéfice du doute, et ce, même si M. LeBlanc s’est retiré des discussions lorsque le sujet de la nomination de sa belle-sœur a été abordé au cabinet.

De son côté, Martine Richard travaille au sein du commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique depuis dix ans. Elle a été embauchée pendant le règne des conservateurs de Stephen Harper et a depuis patiemment grimpé les échelons au sein de l’organisme. Ce n’est donc pas une embauche partisane. Nous ne remettons pas en question son professionnalisme ni son indépendance.

Son lien de parenté avec Dominic LeBlanc la place néanmoins dans une situation impossible.

Chaque fois qu’elle blanchira un membre du gouvernement d’un manquement à l’éthique, les critiques lui reprocheront de ne pas avoir le recul nécessaire pour prendre une telle décision. Et si, au contraire, elle émet un blâme, d’autres s’interrogeront à savoir si elle a agi avec sévérité pour marquer son indépendance.

Martine Richard mérite d’occuper ce poste. Le fait qu’elle ait été nommée par un gouvernement qui a perdu toute crédibilité en ce qui a trait à l’éthique, les conflits d’intérêts et le favoritisme, l’empêchera toutefois d’accomplir ses fonctions convenablement.

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle