Les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse sont engagés dans un bras de fer avec le gouvernement fédéral. Des centaines de millions de dollars sont en jeu, tout comme la qualité de vie de milliers de citoyens des deux provinces.

L’isthme de Chignecto relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, entre la baie de Fundy et le détroit de Northumberland. Ce bras de terre est protégé des inondations par un réseau de digues long de 35 km. La montée des eaux, les tempêtes et, de façon générale, les changements climatiques se font de plus en plus menaçants. Le jour n’est peut-être plus très loin où les flots déborderont les digues et sépareront la Nouvelle-Écosse du reste du continent.

Nous ignorons combien de temps les autorités disposent pour agir avant que ne survienne l’inévitable. Une étude a été publiée au début de l’année. Différents scénarios ont été considérés, que ce soit la construction d’une nouvelle digue ou l’élévation des digues existantes. Les coûts pourraient atteindre 300 millions $.

Le gouvernement du Canada, par la bouche du ministre Dominic LeBlanc, propose de diviser la facture en trois. Le fédéral en paierait la moitié, soit environ 150 millions $. Le N.-B. et la N.-É. se partageraient l’autre moitié à parts égales.

Le premier ministre Blaine Higgs a rejeté cette proposition et demande plutôt à Ottawa de défrayer la majeure partie des coûts. Avec raison.

Nous croyons que l’importance de l’isthme de Chignecto excède largement les limites qu’il occupe. Il est d’intérêt national pour un pays qui s’est bâti «d’un océan à l’autre». Il comprend plusieurs infrastructures cruciales, notamment la Transcanadienne, la voie ferrée du CN et des câbles de télécommunications.

La proposition de type 50%-25%-25% du ministre LeBlanc peut sembler raisonnable de prime abord. Dans les faits, il s’agit plutôt d’un marché de dupes. La somme de 150 millions $ représente une ponction bien moins importante pour le fédéral que 75 millions $ pour le trésor public de chacune des provinces.

Le gouvernement Trudeau a tenté de convaincre le N.-B. et la N.-É. de faire une demande de financement auprès du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Un peu comme s’il plaçait l’isthme de Chignecto sur un pied d’égalité avec une quelconque route rurale qui a eu le malheur d’être construite trop près de la mer.

Surtout, Ottawa a payé par le passé une part bien plus importante – et parfois même la totalité – des coûts de certaines infrastructures. Il a financé la construction du pont de la Confédération, qui lie l’Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick. Il a construit le nouveau pont Champlain à Montréal.

Il a même acheté en 2018 l’oléoduc Trans Mountain pour la somme de 4,5 milliards $. À l’époque, le premier ministre Justin Trudeau avait justifié sa décision en disant «créer et protéger des emplois en Alberta et en Colombie-Britannique» et, surtout, en soutenant que l’oléoduc représente «un projet vital qui s’inscrit dans l’intérêt national».

Si l’achat d’un oléoduc servant à exporter le pétrole albertain s’inscrit dans l’intérêt national, comme le soutient M. Trudeau, alors comment décrire la protection du seul lien terrestre qui unit la Nouvelle-Écosse et le reste de l’Amérique du Nord?

Ce dossier doit débloquer rapidement. Les épisodes météorologiques extrêmes se multiplient. La tempête Fiona, qui a balayé en 2022 une partie des provinces de l’Atlantique ainsi que les Îles-de-la-Madeleine, a été la plus coûteuse de l’histoire du Canada (plus de 800 millions $ en biens assurés).

Les gouvernements néo-brunswickois et néo-écossais ont néanmoins raison de tenir tête à leur homologue fédéral. Ce dernier doit assumer la part du lion, ce qui n’exclut pas les provinces de toute responsabilité.

Nous aimerions voir le gouvernement Higgs faire preuve d’un peu plus de leadership dans ce dossier au lieu de se contenter de critiquer et d’attendre que les décideurs changent d’avis dans la capitale nationale. Il n’est pas normal qu’aucune dépense n’ait été inscrite au budget provincial à ce sujet et que le ministère des Transports n’ait aucune idée des coûts de réparation et de nettoyage en cas d’inondation dans cette région.

Ottawa, Halifax et Fredericton sont condamnés à trouver une solution. Une entente juste et équitable ne pourra se faire que si tous reconnaissent l’importance nationale de l’isthme de Chignecto. Le fédéral devra prendre conscience de la responsabilité unique qui lui incombe.

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