Une page d’histoire a été tournée, mardi, alors que Parcs Canada a déplacé du Parc national Kouchibouguac les biens de feu Jackie Vautour, de son épouse Yvonne et de leurs enfants. C’est une nouvelle épreuve pour une famille qui a été durement éprouvée. C’est surtout une conclusion qui était prévisible.

Le parc Kouchibouguac a été créé en 1969. Sept villages acadiens situés sur ce territoire ont été rayés de la carte; quelque 1200 personnes ont été expropriées en échange d’une compensation financière risible.

Jackie Vautour s’est battu toute sa vie contre cette injustice. Il a vécu dans une petite maison située dans le parc jusqu’à sa mort, en 2021, à l’âge de 92 ans.

Parcs Canada a toléré la présence du rebelle acadien sur les lieux toutes ces années. Il faut dire que Jackie Vautour représentait un cas unique. Il était un personnage plus grand que nature et très médiatisé. Il a donc été décidé d’éviter l’affrontement et de sagement privilégier la coexistence pacifique.

Une tentative de généreux donateurs d’y déménager une maison mobile a néanmoins été entravée en 2014. De plus, Parcs Canada a indiqué qu’il était hors de question de laisser les descendants s’enraciner à Kouchibouguac.

Il est rapidement devenu clair que le conflit ne prendrait pas fin par un accord négocié. Chaque tentative de rapprochement a été rejetée par les Vautour.

Deux mois après le décès du résistant, la direction du parc national a écrit une lettre à sa veuve, Yvonne, afin de coordonner avec elle le déménagement de ses biens et lui offrir d’enterrer son époux dans le cimetière Saint-Vincent du parc, si tel est son désir. «Nous sommes encore là et on n’a pas peur de mourir. Le sang n’a jamais coulé à Kouchibouguac, est-ce que c’est ça qu’ils veulent? S’ils embarquent sur les terres des Vautour, ça ne sera pas beau», avait répliqué l’un des fils Vautour dans les pages de l’Acadie Nouvelle. Un ultimatum ordonnant à la famille de vider les lieux avant le 31 mars 2022 a ensuite été rejeté.

Une opération a donc été planifiée dans le plus grand secret pendant près d’un an afin d’expulser les Vautour une fois pour toutes. Les autorités ont attendu que les lieux soient déserts pour barricader la route. Ils ont mis les biens dans des boîtes afin de les retourner à leurs propriétaires et ils ont enlevé la maison, la roulotte, les cabanons, le tipi et les véhicules récréatifs. Les accès au terrain ont de plus été détruits.

Cela rappelle les terribles événements de 1976, quand la maison de Jackie Vautour, dans l’ancien village de Claire-Fontaine, a été détruite au bulldozer alors que ce dernier était en prison. Nous ne doutons pas que les rebondissements de cette semaine ont fait remonter à la surface le traumatisme vécu par la famille, mais aussi celui de tous les expropriés.

Dans les circonstances, il s’agissait cette fois-ci de la façon la plus responsable d’agir. Personne ne souhaitait voir les fils Vautour être expulsés de force au cours d’une opération policière musclée qui aurait pu mal tourner.

Le moment était-il bien choisi? La question mérite d’être posée, ne serait-ce que pour les citoyens de Pointe-Sapin qui se sont vus imposés pendant plusieurs heures un grand détour. Néanmoins, le fait demeure que l’occupation ne pouvait durer éternellement. Il était temps de tourner la page.

Nous vivons dans un état de droit. Aussi sympathique que soit leur combat de type David contre Goliath, les expropriés n’ont pas le privilège de vivre comme bon leur semble sur le territoire du parc national.

Jackie Vautour et ses proches se sont battus pendant des décennies devant les tribunaux. Ils ont tenté d’invalider l’existence du parc Kouchibouguac, d’obtenir des droits de pêche de subsistance et de faire reconnaître des titres métis ancestraux. En vain.

Comprenons-nous bien. Nous ne sommes pas en train de dire que les Vautour doivent mettre fin à leur lutte. C’est une décision qui leur appartient. Ils n’ont pas à accepter cette injustice dont ils ont été victimes et qui a marqué au fer rouge la vie de leur patriarche.

Cela devra toutefois se faire autrement que par l’occupation de leurs anciennes terres dans le parc national. Cette page-là a définitivement été tournée mardi. Parcs Canada ne permettra pas la construction d’un nouveau campement Vautour et tuera dans l’œuf toute tentative en ce sens.

Le moment est venu pour les Vautour de mener leur combat autrement. Ceux-ci ne sont pas préparés à cette situation et ont promis de se réinstaller sur les lieux aussitôt que Parcs Canada baissera la garde. Ils devront néanmoins un jour prendre acte de cette nouvelle réalité, à défaut de l’accepter.

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