Nous avons souvent critiqué par le passé en éditorial la propension de Blaine Higgs à privilégier l’atteinte d’importants surplus budgétaires aux dépens de tout le reste. Il faut toutefois convenir que cette façon de gouverner a l’avantage de freiner les élans du premier ministre et de certains de ses ministres, évitant ainsi que certaines de leurs dérives ne coûtent les yeux de la tête aux contribuables.

Les partis conservateurs fédéral et provinciaux souffrent pour la plupart d’une même tare: un cruel manque d’imagination. Ils s’inspirent des combats menés par les républicains aux États-Unis, y compris la droite la plus radicale, et essaient d’importer ceux-ci au Canada.

Pourquoi le chef de l’opposition Pierre Poilievre veut-il mettre fin au financement de la CBC et le présente-t-il comme un outil de propagande à la solde du gouvernement Trudeau? Pourquoi a-t-il récemment attaqué la crédibilité de La Presse Canadienne, peut-être le média le plus neutre et le moins controversé au Canada? Pour imiter l’ancien président Donald Trump qui a réussi avec succès à mobiliser ses partisans en présentant les médias comme étant «l’ennemi du peuple».

Pourquoi le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, est-il parti en croisade afin de «protéger nos enfants» contre les drag-queens? Afin d’imiter le gouverneur républicain de la Floride, Ron DeSantis, et d’attirer ainsi les projecteurs sur lui.

Les conservateurs canadiens ont aussi importé des États-Unis un amour immodéré des armes à feu et une passion pour la loi et l’ordre.

Pas plus tard que la semaine dernière, Pierre Poilievre a soutenu que le crime et le chaos règnent dans les villes dirigées par des «maires libéraux NPD woke». Il a spécifiquement montré du doigt Montréal, Edmonton et Vancouver, de même que la Colombie-Britannique. La lutte contre les wokes est une autre obsession de la droite républicaine qui a été importée par les conservateurs canadiens.

Blaine Higgs ne tombe pas aussi loin que Pierre Poilievre et Éric Duhaime dans les extrêmes. Il a par contre pris l’habitude lui aussi de dépeindre le Nouveau-Brunswick comme une sorte de Far West où il est le seul à pouvoir y mettre un peu d’ordre.

En 2021, le gouvernement a poussé à la retraite le commandant divisionnaire de la GRC, Larry Tremblay, en prétextant avoir perdu confiance en sa capacité de mener la lutte contre les drogues illégales.

Dans le discours du Trône 2022, un long chapitre est consacré aux efforts du gouvernement Higgs pour combattre le crime. «Les infractions contre les biens sont à la hausse, alors que les malfaiteurs volent leurs voisins pour se procurer de la drogue», peut-on lire. Dans le budget provincial 2023, il a prévu 32,6 millions $ supplémentaires pour les forces policières afin de s’attaquer à une hausse «préoccupante» de la criminalité et en rappelant dramatiquement que «un foyer devrait être synonyme de sécurité».

Contrairement à Pierre Poilievre, Blaine Higgs ne va pas jusqu’à affirmer que c’est le chaos dans nos rues. Il a toutefois donné le feu vert à la construction d’une nouvelle prison à Fredericton. Le coût de celle-ci est passé de 32 à 42 millions $ en raison de l’inflation.

Le ministre de la Sécurité publique et ancien chef de la People’s Alliance, Kris Austin, tenait aussi à la création d’une police provinciale qui aurait remplacé la GRC. Il avait justifié son intention en soutenant que «on sait que le maintien de l’ordre est un problème dans la province, c’est quelque chose d’autre qu’on entend».

Il a toutefois frappé un mur. Son chef Blaine Higgs partage avec son ministre et ses collègues conservateurs à travers le pays la vision d’un monde où le danger est partout en raison de politiques de gauche, il n’est toutefois pas prêt à sacrifier son sacro-saint équilibre budgétaire pour y arriver.

Construire une nouvelle prison dans la bulle Saint-Jean-Fredericton qui compte tant pour le premier ministre est une chose. Mais investir des dizaines de millions de dollars pour créer à partir de zéro un nouveau corps policier provincial? Voilà qui ne passe plus. C’est pourquoi le ministre Austin a annoncé il y a quelques jours que le projet était abandonné parce que trop coûteux. Nous nous en réjouissons.

Les besoins en matière de santé, d’éducation, d’infrastructures et de logement sont grands au Nouveau-Brunswick. Ils grandissent en raison d’une abesnce de volonté d’agir du gouvernement. La dernière chose dont nous avons besoin est de consacrer plus de ressources à des chimères, comme une nouvelle force policière qui ne servirait qu’à conforter quelques élus et leurs militants dans leurs illusions et leurs lubies.

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