Les Canadiens se sont réveillés sous le coup d’une grève fédérale, jeudi matin, et non la moindre. Le conflit de travail affectera une multitude de services aux citoyens.

Plus de 155 000 fonctionnaires ont débrayé, y compris quelque 7500 au Nouveau-Brunswick. La dernière grève générale de cette ampleur remonte à 1991. Aussi bien dire une éternité.

Attendez-vous à ce que les grévistes soient très visibles. Une bataille comme celle qui vient de commencer se prépare longtemps d’avance. Des piquets de grève ont été érigés dans des centaines de communautés à travers le Canada. D’autres moyens de pression seront utilisés, y compris les manifestations.

Les effets se feront sentir rapidement. Ce n’est pas un hasard si ce conflit de travail a été déclenché au printemps. Nous sommes en pleine saison des impôts. De plus, la demande pour les passeports est en hausse à l’approche des vacances estivales.

La grève touchera aussi les douanes, les aéroports, l’assurance-emploi et plus encore. L’Alliance de la fonction publique du Canada a fait le pari que le gouvernement Trudeau ne pourra se permettre de laisser la qualité des services se détériorer. Les longues files d’attente devant les bureaux des passeports sont encore fraîches à notre mémoire.

C’est néanmoins un pari risqué. Rien ne justifie cette grève. L’offre du gouvernement est raisonnable; les attentes des syndiqués ne le sont pas.

Les fonctionnaires fédéraux jouissent déjà d’excellentes conditions de travail. Ils peineront à mériter la sympathie de citoyens qui n’ont pas le privilège d’avoir une aussi bonne rémunération et un régime de retraite blindé.

La volonté du syndicat de permettre à ses membres d’imposer de façon permanente le télétravail et d’obtenir des journées de congé additionnelles laisse pantois.

En effet, les dernières années ont  mis en lumière les ratés de la fonction publique. Celle-ci peine à remplir sa mission convenablement. Pensez aux fiascos des passeports, de l’immigration, du système de paie, de même que les retards dans le traitement des dossiers de l’assurance-emploi. La solution est-elle vraiment d’accorder plus de congés rémunérés et de laisser un plus grand nombre de fonctionnaires travailler à partir de la maison? Disons, pour être polis, que nous avons des doutes à ce sujet.

Les exigences salariales de l’Alliance de la fonction publique du Canada sont moins étonnantes. En raison de l’inflation galopante, pratiquement tous les syndicats réclament de fortes augmentations. Au Nouveau-Brunswick, les membres du personnel enseignant tentent de convaincre le premier ministre Blaine Higgs de délier les cordons de la bourse pour la même raison.

L’écart qui sépare l’offre patronale fédérale (9,25% sur trois ans) et la demande syndicale (13,5% sur trois ans) n’est pas gigantesque. À peine 1,5% par année, quoique les grévistes réclament aussi une panoplie de primes et de bonis (notamment 2,50$ l’heure pour ceux qui travaillent après 16h). Un terrain d’entente peut être négocié sans que les contribuables n’y laissent leur chemise.

Comment réagira le gouvernement Trudeau? Voilà la grande inconnue. Tentera-t-il de faire adopter une loi spéciale de retour au travail? Cette avenue pourrait être difficilement réalisable sans l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc Québécois, sympa­thiques aux causes ouvrières. Laissera-t-il la grève s’éterniser? Préférera-t-il acheter la paix?

Nous ne ferons pas semblant de croire qu’une grève d’une telle ampleur est une bonne chose. Par contre, elle pourrait politiquement profiter au premier ministre Justin Trudeau.

Celui-ci est en effet empêtré dans plusieurs controverses, que ce soit à propos de l’influence de la Chine ou la fondation Pierre Elliott Trudeau. Cette semaine, il a été critiqué après avoir goûté d’agréables vacances en Jamaïque chez de richissimes donateurs de la fondation.

La grève de la fonction publique fera les manchettes au cours des prochains jours, voire semaines. Elle aura pour effet de détourner l’attention des électeurs des enjeux qui embarrassent Justin Trudeau. Le chef conservateur Pierre Poilievre lui a fait le même cadeau avec sa cabale contre CBC sur Twitter.

Elle représente cependant une occasion en or pour le premier ministre de faire preuve de leadership. Il ne doit pas tolérer que ce conflit s’éternise ni que la qualité des services offerts aux Canadiens se dégrade en raison de celui-ci.

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