François Gravel, éditorialiste
Plafonner les loyers, maintenant
Malgré les nouvelles règles imposées à la fin 2022, le coût des loyers continue d’exploser au Nouveau-Brunswick. Le refus du gouvernement Higgs d’imposer un plafonnement est en grande partie responsable de cette situation.
Le marché locatif néo-brunswickois s’est emballé au cours des dernières années, notamment en raison de la rapide augmentation de la population du Nouveau-Brunswick et du nombre insuffisant d’édifices à logement qui sont construits.
Notre province est devenue un terrain de jeu pour les spéculateurs en raison du coût d’achat relativement abordable des édifices à logement et, surtout, des lacunes du cadre réglementaire.
Le problème est connu depuis de nombreuses années. Le gouvernement progressiste-conservateur a fait preuve d’insensibilité et d’irresponsabilité en laissant la situation se détériorer. Pendant longtemps, il s’en est lavé les mains en affirmant privilégier la loi de l’offre et de la demande.
En 2020, Bruce Fitch, alors ministre du Développement social, a expliqué pourquoi, à ses yeux, le problème allait finir par se régler tout seul. «Ces propriétaires qui augmentent tellement leur loyer devraient être plus prudents parce que si le loyer de quelqu’un devient trop élevé, peut-être qu’il va déménager et que le propriétaire n’aura plus personne à qui louer», avait confié M. Fitch.
Naïveté? Plutôt du cynisme de la part d’un élu qui trouvait plus important de défendre la ligne du parti et les intérêts financiers des propriétaires immobiliers plutôt que ceux des locataires aux prises avec des hausses de loyers pharaonesques.
Le premier ministre Blaine Higgs a finalement imposé à contrecoeur un plafonnement des loyers en 2022. Celui-ci aurait dû être maintenu pendant plusieurs années. Il a plutôt été annulé quelques mois plus tard. Le gouvernement avait justifié sa décision en soutenant, sans aucune preuve, que des individus menaçaient de quitter la province ou de ne plus construire de logements si le plafonnement était maintenu.
Entretemps, des nouvelles règles ont été mises en place afin d’inciter les locataires aux prises avec des hausses de loyers indécentes à se tourner vers le Tribunal sur la location de locaux d’habitation.
Malheureusement, la réglementation est pleine de trous. De nombreuses plaintes ont été jugées irrecevables et des augmentations à première vue abusives ont été approuvées par le tribunal. En outre, ce dernier peine à suffire à la demande.
La ministre responsable du Logement, Jill Green, a promis de réviser les jugements du tribunal et d’apporter des modifications aux règlements adoptés par son gouvernement, si cela s’avère nécessaire à ses yeux.
Nous saluons les propos de la ministre Green et nous nous réjouissons de son intention de réviser les jugements les plus controversés. Les hausses approuvées révèlent en effet que le système ne tourne pas rond.
Notons néanmoins le ridicule de la situation. Le gouvernement refuse de plafonner les hausses des loyers, puis demande au Tribunal sur la location de locaux d’habitation de le faire à sa place. Comme ce dernier n’y arrive pas en raison de la faiblesse de la réglementation en vigueur au Nouveau-Brunswick, la ministre Green est maintenant contrainte de réviser les jugements qui ont déjà rendus.
Tout ça parce que le premier ministre Blaine Higgs veut donner l’illusion qu’il peut venir à bout de la problématique du logement sans un plafonnement en bonne et due forme. Or, pendant qu’il tourne autour du pot, la crise s’aggrave.
Le gouvernement doit faire deux choses. D’abord, imposer un plafonnement des loyers, comme c’est le cas dans d’autres provinces. Ensuite, mettre en place des incitatifs visant à encourager les entrepreneurs à construire de nouveaux logements. Ce programme doit être simple et efficace. Il pourrait prendre la forme de crédits d’impôt sur le coût des matériaux de construction, des permis, de la main-d’œuvre, etc.
Bref, il faut protéger les locataires tout en augmentant l’offre de façon significative.
Le gouvernement Higgs déploie des trésors d’imagination pour chercher à obtenir autrement le même résultat. Sans surprise, il échoue lamentablement à la tâche. Il agit ainsi parce qu’il se soucie plus de l’image qu’il projette auprès du secteur privé que du sort des locataires.
Ce gouvernement n’a pas les priorités à la bonne place. Les locataires en paient le prix.