François Gravel, éditorialiste
Higgs n’a que lui à blâmer
Le premier ministre Blaine Higgs aime bien montrer l’image d’un politicien qui n’est pas comme les autres. C’est véridique, mais pas pour les raisons qu’il voudrait bien nous faire croire.
Le Parti libéral a remporté haut la main les trois sièges qui étaient à l’enjeu lundi, dans le cadre d’élections partielles. Ce n’est pas une surprise, tant les libéraux partaient favoris.
Néanmoins, l’effondrement du vote progressiste-conservateur mérite d’être souligné. C’est particulièrement humiliant dans la circonscription de Dieppe, où le candidat Dean Léonard n’a recueilli l’appui que de 298 électeurs. C’est un peu plus de 8% des voix, ce qui signifie que moins d’un électeur dieppois sur 10 a donné son appui aux bleus.
Invité à réagir à ce résultat plutôt gênant, Blaine Higgs a répété sa salade habituelle voulant que les électeurs acadiens ne votent pas pour son parti de toute façon et qu’il n’y a rien qu’il puisse faire à ce sujet.
C’est faux. Richard Hatfield, Bernard Lord et David Alward ont tous réussi à former un gouvernement qui comprenait des députés et des ministres en provenance de différentes régions acadiennes.
Blaine Higgs n’a par ailleurs rien trouvé de mieux que de montrer du doigt son ancien ministre de l’Éducation devenu député indépendant, Dominic Cardy, pour avoir mis en lumière son intention d’abolir le programme d’immersion française dans le système d’éducation anglophone. Selon le premier ministre, les déclarations de M. Cardy sont en partie responsables de la faiblesse du vote conservateur dans certaines régions.
Ce n’est pas la première fois que M. Higgs cherche des coupables pour justifier ses propres échecs. Il a d’ailleurs dénoncé de façon similaire les médias francophones, et plus spécifiquement l’Acadie Nouvelle, il y a de cela quelques semaines.
Les politiciens se démarquent rarement par leur capacité à faire de l’introspection. Les meilleurs d’entre eux ont toutefois pour qualité d’assumer leurs décisions.
Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a effectué un recul majeur récemment, en annonçant que le troisième lien (un tunnel qui reliera Lévis à la ville de Québec) ne servira qu’au transport en commun et non aux automobilistes. Faisant face à une controverse majeure et à un caucus ébranlé, le premier ministre François Legault a encaissé les coups. Il a dit qu’il s’agit de sa décision et qu’il ne s’en excusera pas.
Blaine Higgs n’a pas cette force de caractère. Quand il sent la soupe chaude, son réflexe est de chercher des coupables ou de partager son impuissance. En ce sens, il est très différent des autres premiers ministres canadiens. Les exemples sont variés.
Lors de la campagne électorale de 2018, l’Acadie Nouvelle a révélé pour la première fois l’ouverture du Parti progressiste-conservateur à former un gouvernement de coalition avec la People’s Alliance, un parti hostile aux droits linguistiques des francophones. M. Higgs a critiqué le journal pour avoir publié cette nouvelle en plus de nier la véracité de celle-ci… même s’il s’est ensuite allié avec l’Alliance et a éventuellement accueilli son chef au sein du conseil des ministres!
En 2020, le gouvernement provincial a annoncé la fermeture la nuit des services d’urgence de six hôpitaux dans les régions rurales. Après la démission de son vice-premier ministre Robert Gauvin et devant la possibilité de perdre le pouvoir, Blaine Higgs a reculé en jetant la faute sur les dirigeants des réseaux de santé Vitalité et Horizon qui, a-t-il soutenu à l’époque, n’avaient pas de réponses convaincantes à ses questions.
Il accuse aussi régulièrement les libéraux de semer la division, en affirmant que celle-ci leur profite. Or, c’est Blaine Higgs lui-même qui largue régulièrement des bombes linguistiques afin de fédérer le vote anglophone derrière son parti et de conserver ainsi le pouvoir.
En décembre 2022, il s’est présenté comme étant une victime et a déploré être la cible de critiques en raison de son unilinguisme. «Ça n’a pas été facile pour moi comme Néo-Brunswickois unilingue», a déclaré celui qui est pourtant devenu haut placé chez Irving Oil, ministre des Finances puis premier ministre du Nouveau-Brunswick.
Blaine Higgs n’a que lui à blâmer si le Parti progressiste-conservateur est réduit aujourd’hui au rang de tiers parti dans la plupart des régions francophones. Il est au pouvoir depuis plus de quatre ans. Il doit avoir le courage d’assumer publiquement les conséquences de ses actes.
Le Nouveau-Brunswick a besoin d’un leader rassembleur. Pas un premier ministre plaignard.