François Gravel, éditorialiste
Pour les enfants, pas pour les intolérants
La volonté du ministre de l’Éducation, Bill Hogan, de réviser la Politique 713, qui assure un environnement sécuritaire et inclusif aux élèves LGBTQ+ dans les écoles, n’augure rien de bon. Le gouvernement s’apprête à agir une fois de plus en fonction des fixations du premier ministre Blaine Higgs, sans tenir compte des besoins des personnes touchées.
La Politique 713 établit les exigences minimales pour les districts scolaires et les écoles publiques afin de créer un milieu accueillant et favorable à l’affirmation pour les élèves qui s’identifient comme étant LGBTQ+.
Concrètement, cela signifie qu’une salle de bain est réservée aux élèves non genrés de l’école, qu’un enfant a le droit de déterminer le pronom par lequel il souhaite être identifié, etc. Cette politique a été rédigée en reconnaissant le fait que ces jeunes sont plus susceptibles d’être victimes d’intimidation.
Il est vrai que la mise en place et le respect des principes de cette politique demandent une certaine adaptation, notamment de la part du personnel enseignant. Dans les faits, cela se passe plutôt bien au quotidien. Il n’y a pas de crise LGBTQ+ dans nos écoles.
À l’extérieur du système scolaire, ces mesures font parfois sourciller. Abordez le sujet avec un groupe d’amis et il y en aura sûrement un quelque part qui critiquera l’existence des toilettes «universelles» ou le pronom iel.
D’autres dénoncent ces compromis de façon beaucoup plus agressive.
Les écoles de la province étaient fermées vendredi dernier pour permettre aux enseignants de suivre des formations portant sur divers sujets. L’un des ateliers optionnels portait justement cet enjeu. Des citoyens ont eu vent de l’existence de cette formation et ont organisé une manifestation. La désinformation et la haine étaient au rendez-vous.
Plusieurs d’entre eux croyaient que le séminaire était une initiative du gouvernement provincial. Le ministre Hogan s’est alors empressé de se distancer de cette initiative des associations d’enseignantes francophones et anglophones.
Partout en Amérique, sous le couvert de combattre les dérives du «wokisme», des mouvements d’opposition aux droits des minorités voient le jour. Les gens qui ont protesté la semaine dernière contre les politiques d’inclusion des élèves LGBTQ+ sont les mêmes qui sont susceptibles de manifester contre la présence d’une drag queen dans une école ou qui réclament que certains livres soient retirés des étagères d’une bibliothèque.
Pour discréditer les mesures d’inclusion, ces individus propagent des rumeurs selon lesquelles des élèves s’identifient comme étant des chats et que les directions scolaires les accommodent en ajoutant des litières dans les salles de bain.
Plusieurs croient dur comme fer ces histoires importées des États-Unis. À Terre-Neuve, un district scolaire a dû faire récemment une sortie publique pour nier avoir installé des litières dans ses écoles: «Ces rumeurs ont des racines haineuses et ne visent qu’à marginaliser encore plus des groupes déjà marginalisés». Il s’agit d’une position forte et sans équivoque. Elle mérite d’être applaudie.
Au Nouveau-Brunswick, le ministre Hogan ne fait pas preuve d’autant de leadership. Il a justifié sa décision de réviser la Politique 713 en disant vouloir régler certains «problèmes» et en soutenant avoir reçu des plaintes.
M. Hogan a refusé d’être plus spécifique. Son prédécesseur Dominic Cardy, aujourd’hui député indépendant, a de son côté confirmé que le premier ministre Blaine Higgs a toujours eu des réserves avec cette politique et que c’est lui qui a ordonné sa révision.
Face au concert de critiques, le ministre Hogan a fini par promettre de protéger les droits des jeunes, y compris les LGBTQ+.
Nous ne sommes pas rassurés.
Nous ne croyons pas que ce gouvernement veuille améliorer la Politique 713. Cette révision se fait à l’initiative d’un premier ministre qui laisse ses préjugés dicter ses décisions, comme il l’a fait si souvent à l’endroit d’autres groupes minoritaires.
Réviser les politiques d’inclusion dans les écoles n’est pas nécessairement une mauvaise idée. Cela doit toutefois se faire en tenant compte des intérêts des principaux intéressés. Pas ceux des intolérants qui n’ont rien de mieux à faire que manifester devant une école.
Le gouvernement Higgs n’a pas la sensibilité nécessaire pour effectuer ce travail. Nous l’invitons à abandonner sa révision.