François Gravel, éditorialiste
L’ultimatum de 100 jours: un délai raisonnable
Les enseignants laissent 100 jours au gouvernement provincial pour négocier une nouvelle convention collective. Sinon, ils pourraient déclencher la grève. Nous croyons que cet ultimatum donne amplement le temps aux partis impliqués de s’entendre, à condition que celles-ci fassent preuve de bonne foi.
Il y a quelques semaines à peine, la plupart des gens ignoraient qu’une grève dans les écoles se profilait à l’horizon. Plutôt que de procéder avec un vote qui aurait donné l’impression de sortir de nulle part, la Fédération des enseignants du Nouveau-Brunswick a d’abord lancé une importante campagne de visibilité et de sensibilisation.
Celle-ci s’est articulée autour du thème du citron. Des manifestations ont été organisées devant les bureaux de plusieurs députés et ministres. Les porte-paroles ont fait part de leurs revendications lors de conférences de presse, dans des publicités, etc.
Bref, une stratégie de communication diablement plus efficace que celle du gouvernement provincial et moins agressive que celle privilégiée ces dernières années par le Syndicat canadien de la fonction publique avec ses poings jaunes en carton.
Par ailleurs, le délai de 100 jours signifie que la fin de l’année scolaire ne sera pas perturbée par un conflit. Nous nous en réjouissons. Les journées de classe annulées en mai ou en juin en raison d’un arrêt de travail ne seraient pas reprises en juillet et en août. Elles seraient définitivement perdues.
C’est aussi un soulagement pour les élèves qui peuvent préparer leurs activités de fin d’année sans la menace d’une grève du zèle.
L’ultimatum nous mène au 28 août, c’est-à-dire une semaine avant la rentrée. Si aucun accord ne survient d’ici là, il y aura un vote de grève.
Le gouvernement Higgs et la Fédération des enseignants du Nouveau-Brunswick ont la responsabilité et le devoir de tout faire pour éviter ce scénario. Les élèves ont déjà trop perdu de précieux mois d’enseignement ces dernières années en raison de la COVID-19 et de la grève des employés de soutien.
Les négociations achoppent sur deux points: les salaires et la fermeture des écoles pour des causes météorologiques.
Le gouvernement Higgs offre des augmentations de salaire de 10% sur cinq ans. C’est insuffisant. S’il joue la ligne dure sur la question salariale, une grève sera inévitable.
Notons toutefois qu’au fédéral, les syndiqués viennent de s’entendre avec Ottawa pour des hausses annuelles de 3% pendant quatre ans, en plus de quelques autres gains. Un cadre financier semblable pourrait-il servir de terrain d’entente avec la Fédération des enseignants? Espérons-le.
De toute façon, le gouvernement n’y échappera pas. Sa situation financière favorable et la hausse de l’inflation vont le forcer à délier éventuellement les cordons de la bourse. Le travail des enseignants s’est considérablement alourdi dans les dernières années. Ils méritent d’être mieux rémunérés.
La question des «congés de tempête» est plus complexe. Les enseignants tiennent à ceux-ci. Ils ne les laisseront pas tomber sans se battre.
Nous sommes de toute façon perplexes devant la stratégie de Fredericton, qui souhaite garder les écoles ouvertes en toutes circonstances, y compris quand les autobus scolaires ne sont pas sur les routes. Une proposition rejetée sans surprise par le syndicat.
Les écoles sont beaucoup trop souvent fermées pour cause de météo, mais ce n’est pas la faute des enseignants. Ce sont les districts scolaires qui prennent la décision, tôt le matin. Or, certains font preuve de moins de jugement que d’autres. Une journée pluvieuse, une route rurale mal déneigée ou un lendemain de tempête sont des excuses qui poussent parfois un gestionnaire frileux à ordonner la fermeture des établissements scolaires.
Trop de journées sont perdues inutilement, pour ne pas dire de manière absurde, et dans une apparente indifférence générale. C’est ainsi qu’en janvier 2022, le District scolaire francophone Sud a ordonné une fermeture des classes en raison de la météo alors que les cours se donnaient encore en mode virtuel.
Personne ne souhaite voir les écoles ouvertes en pleine tempête de neige. Nous comprenons les enseignants de se battre pour éviter cette possibilité. Il est toutefois temps de diminuer le nombre de journées scolaires sacrifiées pour des raisons indéfendables. Le syndicat doit cesser de faire preuve d’intransigeance et proposer à son tour des solutions.