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Le bilinguisme économique, un atout majeur étonnamment décrié
La question des langues officielles a fait surface à quelques reprises durant la campagne électorale provinciale et les discussions ont orienté le discours public vers les droits linguistiques des francophones et les coûts du bilinguisme pour la province. Ce débat laisse toutefois de côté un atout majeur que seule la province du Nouveau-Brunswick détient à l’échelle canadienne, soit son «bilinguisme économique».
En 2015, les économistes Pierre-Marcel Desjardins et David Campbell ont publié les résultats d’une étude – «Deux langues, c’est bon pour les affaires» – sur les avantages et le potentiel économiques du bilinguisme au N.-B. Il en ressort qu’une main-d’œuvre bilingue contribue au développement économique de la province et voici quelques constats liés à cette étude.
Premièrement, une main-d’œuvre bilingue est la raison pour laquelle le Nouveau-Brunswick a attiré de grandes entreprises reconnues comme le Centre d’opération financière de TD à Dieppe qui créera jusqu’à 440 emplois, pour ne nommer que cet exemple récent. Deuxièmement, le bilinguisme a mené au développement d’une importante industrie langagière dans la province. Le Nouveau-Brunswick vient au deuxième rang des dix provinces canadiennes pour ce qui est de la proportion de traducteurs, terminologues et interprètes.
Le troisième constat appuie la tenue du Rendez-Vous Acadie-Québec depuis 2005, car le bilinguisme a été un facteur essentiel pour tisser des liens commerciaux et encourager des investissements sur le marché québécois. La capacité de desservir le marché québécois en français est l’une des principales raisons pour lesquelles le N.-B. a pu percer sur ce marché. En fonction de la taille de sa population, aucune autre province n’exporte plus au Québec que le Nouveau-Brunswick. De plus, le bilinguisme joue un rôle primordial dans la croissance des services professionnels néo-brunswickois sur le marché québécois comme le constatent les participants de Rendez-vous Acadie-Québec depuis plusieurs années.
Le quatrième constat que nous tirons de cette étude de messieurs Desjardins et Campbell vient se joindre au premier, car le bilinguisme explique en bonne partie pourquoi des entreprises des secteurs financier et de l’assurance servent leur clientèle canadienne à partir d’ici. Être en mesure de servir leurs clients francophones est une raison importante pour laquelle les emplois créés par les compagnies d’assurance ont augmenté de 55% dans la province entre 2006 et 2013. Grâce à sa main-d’œuvre bilingue, notre province a été en mesure d’attirer des centres de contact avec la clientèle et de soutien administratif de plusieurs grandes banques canadiennes.
Par ailleurs, le fait francophone contribue tout autant à l’économie de la province et est un atout économique, tout comme le bilinguisme. Citons à titre d’exemple l’industrie touristique du Nouveau-Brunswick. Le fait de pouvoir offrir un service en français permet d’attirer les touristes québécois, francophones ou francophiles. De plus, le fait francophone de la province permet au Nouveau-Brunswick de faire partie du Corridor patrimonial, culturel et touristique francophone chapeauté par le RDÉE Canada et d’attirer des francophones de tous les coins du Canada et du monde. Nul doute que le fait francophone accroît et diversifie l’offre touristique et bénéficie à l’ensemble du secteur touristique du Nouveau-Brunswick.
D’un autre côté, le fait d’avoir des institutions postsecondaires francophones est aussi un atout puisqu’elles attirent des étudiants de niveau postsecondaire en provenance des autres provinces ou d’autres pays. Dans un contexte de décroissance démographique et d’un besoin constant de main-d’œuvre qualifiée, ce n’est pas négligeable pour notre croissance d’avoir accès à un bassin de diplômés francophones sortant de nos institutions postsecondaires. En plus de détenir les compétences requises pour travailler au Nouveau-Brunswick, ces diplômés viennent enrichir le fait francophone.
Ce dernier constat est important, car pour maintenir notre atout économique – le bilinguisme – nous avons besoin d’un bassin de francophones. Sans les francophones, nous perdons tous les avantages économiques qui découlent du bilinguisme économique. Dans un tel cas, ce ne sont pas les francophones qui en souffriraient puisque pour chaque emploi bilingue créé au Nouveau-Brunswick, deux emplois unilingues anglais sont créés (toujours selon l’étude mentionnée plus haut).
En conclusion, terminons sur une citation de Michel Carrier, commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick en 2013, sur le bilinguisme: «Au lieu de le voir comme un coût, le voir comme un atout et le développer et arrêter de porter attention à ceux qui disent que c’est un coût… et examiner le potentiel d’en faire une entreprise lucrative.»
Arrêtons de marteler cet important atout économique et utilisons notre bilinguisme économique comme outil de croissance.
Marie Chamberland
Présidente du Conseil économique du Nouveau-Brunswick