Une rumeur circule voulant que les instances gouvernementales aient été séduites par l’idée du maire d’Edmundston, Cyrille Simard, sur le bien-fondé de nommer une Commission sur l’éducation et le bilinguisme au Nouveau-Brunswick.

Je ne m’oppose pas d’emblée à une telle initiative, mais je la reçois avec une certaine réserve. En tout temps, plus d’une vingtaine de commissions siègent dans la province, dont les travaux portent sur un aspect ou l’autre de l’état des ressources, de l’économie ou des services à la population. D’après la nature de leurs travaux, certaines sont en principe permanentes, alors que d’autres sont chargées de mandats à terme.

Je reconnais que par le passé, certaines commissions provinciales ont effectivement donné de bons résultats pour favoriser le mieux-être de l’ensemble de la population. D’autres par contre, au terme de longs et onéreux travaux, ont vu leurs rapports immédiatement déposés sur les étagères sans que ne soient approuvées ni mises en œuvre leurs recommandations prioritaires.

Il faut se rappeler que la nomination d’une commission est une démarche politique. Bien que la question à l’étude soit habituellement de nature socioéconomique, les ficelles décisives sont souvent tirées dans une direction ou dans l’autre en fonctions d’allégeances ou d’idéologies politiques, qui peuvent être ou ne pas être dans l’intérêt supérieur du bien commun ou des droits des minorités.

De plus, les travaux d’une commission doivent se réaliser en dedans des limites du mandat qu’elle a reçu, ce qui peut, comme il s’est déjà vu, l’empêcher d’étendre son étude à certains aspects de la question qui pourraient pourtant s’avérer cruciaux pour une partie importante de la population. L’on peut craindre aussi que certains volets soient écartés parce que trop «politiquement sensibles», compte tenu de la spécificité des doléances et des droits dont se réclame chacune des deux communautés linguistiques de la province ou du pays. Et qu’adviendrait-il si certaines des conclusions de cette commission proposaient une diminution des droits acquis?

Dans la conjoncture politique qui sévit au Nouveau-Brunswick, où le discours du gouvernement au pouvoir laisse entendre qu’il n’écarte pas la possibilité d’importants reculs dans le domaine des droits acquis de la population francophone dans le domaine linguistique et culturel, où le leader du Parti allianciste, qui permet au gouvernement conservateur de régner sur une base temporaire, déclare qu’il n’existe aucun problème en éducation ou dans la gestion du bilinguisme qui justifie la mise en place d’une commission, on peut se demander si l’approche préconisée est effectivement la meilleure à envisager pour mettre en lumière tous les volets des défis de l’éducation et du bilinguisme dans notre province et surtout pour arriver à proposer les meilleures solutions.

Je reconnais que nous avons des défis en éducation qui ne sont pas directement reliés à la question du bilinguisme officiel ou aux droits constitutionnels des communautés de langue officielle minoritaire et une commission pourrait sans doute avantageusement en être saisie. Mais la communauté francophone de la province, et pourquoi pas celle de l’Acadie entière, ne devrait-elle pas plutôt se prendre elle-même en main et songer à l’organisation d’États généraux sur le bilinguisme officiel, les droits constitutionnels en langue et en culture, la loi sur les langues officielles tant fédérale que provinciale et sur les moyens d’en arriver à les faire reconnaître et respecter, tant en éducation que dans les autres services publics?

Des États généraux permettraient aux représentants de toutes les parties prenantes d’aborder les thèmes ciblés sous tous leurs aspects, d’en faire l’état des lieux et susciter, entre autres, une réflexion de fond, des débats d’idées et l’élaboration de projets d’action. Un des volets de ce rassemblement pourrait sans doute porter sur le concept d’une Assemblée nationale de l’Acadie avancé par Daniel LeBlanc.

La documentation préparatoire à ces États généraux pourrait s’enrichir des travaux de Gaëtan Paquette, professeur à l’Université Laval, intitulés Les Francophonies d’Amérique, état des lieux, dont il a fait l’objet d’un cours qu’il anime.

Il me semble que c’est en étant proactifs que nous favoriserons l’avènement de solutions heureuses à nos défis, au lieu d’attendre et de réagir à ce que proposera une Commission nommée par les instances mêmes qui sont à la base des conflits régnants.

Cyrille Sippley
Saint-Louis-de-Kent

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