Quelques jours avant le déclenchement des élections provinciales actuelles, j’ai écrit à Seamus O’Regan, ministre fédéral des Ressources naturelles, pour demander que son ministère tienne une consultation publique sur les déchets radioactifs au Nouveau-Brunswick.

J’ai offert les ressources de mon projet de recherche financé par le gouvernement fédéral pour organiser la consultation à l’Université du Nouveau-Brunswick, cet automne. Mon projet soutient la discussion et l’action sur les questions environnementales au Nouveau-Brunswick.

L’impact de l’énergie nucléaire sur l’environnement est l’une de nos préoccupations. Le gouvernement provincial et Énergie NB ont donné
10 millions de dollars à deux entreprises d’énergie nucléaire récemment établies à Saint John qui prévoient de développer et de construire des prototypes de réacteurs nucléaires à côté de la centrale nucléaire existante d’Énergie NB à Point Lepreau, dans la baie de Fundy.

Maintenant, l’énergie nucléaire est devenue un enjeu électoral, le chef libéral Kevin Vickers faisant la promotion des deux nouveaux réacteurs nucléaires pour le Nouveau-Brunswick à chaque arrêt de campagne.

Les sujets qui nécessitent d’urgence des discussions publiques sont les nouvelles variétés de déchets radioactifs créés par les nouveaux réacteurs, et la proposition d’extraire le plutonium du combustible nucléaire usagé existant stocké sur le site de Lepreau pour alimenter ces nouveaux réacteurs.

Actuellement, le Canada dispose d’un bref (143 mots) cadre de politique en matière de déchets radioactifs, avec plusieurs principes, mais aucune politique ou stratégie globale. Fin 2019, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a cité l’inadéquation de la politique canadienne et l’absence de stratégie nationale pour la gestion à long terme des déchets radioactifs. En février 2020, le Canada a accepté de remédier à ces insuffisances.

En mai, plus de 100 groupes d’intérêt public dans tout le pays, dont neuf au Nouveau-Brunswick, ont écrit au ministre O’Regan pour soutenir fermement un processus public visant à élaborer une politique globale et une stratégie socialement acceptable pour la gestion à long terme des déchets radioactifs. En juillet, le ministre a répondu en s’engageant à élaborer une politique fédérale globale par le biais de consultations avec les parties prenantes et «tous les Canadiens».

Le Nouveau-Brunswick est la seule province en dehors de l’Ontario qui possède un réacteur nucléaire opérationnel, situé à Point Lepreau. Notre gouvernement soutient maintenant des propositions pour concevoir et construire deux réacteurs nucléaires non testés à Lepreau. Les nouveaux réacteurs proposent de «brûler» le combustible irradié hautement radioactif existant à Lepreau, mais ils créeront également un nouveau combustible irradié encore plus intensément radioactif.

Les déchets radioactifs doivent être confinés en toute sécurité, car ils sont très dangereux pour les êtres vivants. L’exposition d’une cellule vivante à des matières radioactives peut altérer son ADN. Une exposition chronique peut éventuellement provoquer des cancers et d’autres effets néfastes sur la santé, y compris des dommages génétiques qui peuvent affecter la progéniture.

Il existe plusieurs catégories de déchets radioactifs. La plus mortelle est celle des déchets de haute activité, le combustible irradié d’un réacteur nucléaire. Le combustible irradié fraîchement déchargé tuerait rapidement tout être humain sans blindage lourd, et il reste dangereux pendant des centaines de milliers d’années.

Aucune installation de stockage à long terme sécurisée pour les déchets hautement radioactifs n’a été approuvée pour être utilisée où que ce soit sur la planète.

À Lepreau, le combustible irradié est d’abord refroidi dans une piscine d’eau pendant 10 ans, puis stocké dans des centaines de silos en béton à environ un kilomètre du réacteur. Chaque silo, qui contient des centaines de grappes de barres de combustible, est fermé par soudure et soigneusement scellé.

Les promoteurs des deux nouveaux réacteurs proposent d’ouvrir les silos de Lepreau, d’accéder au combustible irradié, de faire fondre la matière solide et d’en extraire moins de 1% de la masse totale pour la réutiliser. Ce projet, appelé «retraitement», n’a jamais été réalisé auparavant au Canada et soulève de nombreuses questions de sûreté et de sécurité qui doivent être examinées et surveillées.

Certains des sites les plus contaminés par la radioactivité sur Terre – Hanford aux États-Unis, Sellafield au Royaume-Uni, Mayak en Russie – sont le résultat d’un retraitement à grande échelle de combustible nucléaire usagé pour en extraire le plutonium.

Le plutonium, un matériau créé par l’homme lors de la réaction nucléaire, est le principal explosif nucléaire dans les arsenaux d’armes nucléaires du monde. Mais le plutonium peut aussi être utilisé comme combustible nucléaire, et les nouveaux réacteurs proposés veulent utiliser comme combustible le plutonium stocké dans le combustible irradié de Lepreau.

Le retraitement a été officieusement interdit dans ce pays dans les années 70 en raison des implications internationales. L’utilisation généralisée du retraitement rend potentiellement le plutonium disponible pour les terroristes et les États voyous pour un traitement ultérieur en armes nucléaires ou en bombes dites «sales». Le retraitement pour les nouveaux réacteurs nécessitera une sécurité de niveau militaire à Lepreau.

Les nouveaux réacteurs créeront eux-mêmes du combustible irradié, plus petit en volume, mais beaucoup plus radioactif par kilogramme que le combustible irradié existant à Lepreau. Et le nouveau combustible irradié devra également être stocké pendant des centaines de milliers d’années.

Un rapport ontarien de 2016 sur le «recyclage» du combustible nucléaire a conclu que le combustible retraité sera beaucoup plus cher que l’uranium naturel actuellement utilisé à Lepreau, et que les coûts d’élimination finale des déchets seront supérieurs de plusieurs milliards de dollars à ce qu’ils seraient si le combustible CANDU était enterré sans retraitement.

La gestion à long terme du combustible nucléaire irradié est une responsabilité fédérale, mais les volumes beaucoup plus importants de déchets de «faible» et «moyenne» activité sont du ressort de la province.

L’acier radioactif, le béton et les pièces d’équipement volumineuses contaminées restent également dangereusement radioactifs pendant des milliers d’années.

Ces matériaux ne peuvent pas être recyclés, mais doivent être «éliminés» en tant que déchets radioactifs. Tout rejet de déchets stockés à Lepreau aura un impact sur les personnes vivant à proximité du site et pourrait polluer la baie de Fundy.

Les déchets radioactifs non combustibles sont la responsabilité du Nouveau-Brunswick. Les contribuables de cette province paieront pour l’entreposage et l’entretien sécuritaires de ces déchets pendant des milliers d’années à venir. Il n’existe aucune installation de stockage approuvée pour les déchets radioactifs non combustibles au Canada. Une proposition visant à en construire une en Ontario, sur la rive du lac Huron, a été rejetée il y a quelques mois après un processus de consultation qui a duré près de 15 ans.

Le Canada s’engage maintenant dans une révision de sa politique en matière de déchets radioactifs. Cette révision se déroule dans un contexte politique inadéquat. Certains éléments de l’approche actuelle du Canada contredisent les directives de l’AIEA. Néanmoins, Ressources naturelles Canada a l’intention de finaliser ses plans pour le lancement de ces nouveaux réacteurs d’ici octobre 2020, avant que la politique révisée en matière de déchets radioactifs ne soit mise en place.

Dans ma lettre au ministre, j’ai souligné que mon offre de faire organiser par mon équipe de recherche une consultation à l’Université du Nouveau-Brunswick comprendra une invitation, dans les deux langues officielles, à engager un large dialogue avec les nations autochtones, les communautés rurales et urbaines, les groupes environnementaux et industriels, et d’autres parties prenantes.

Nous devons nous assurer que les politiques et les stratégies sont élaborées le plus tôt possible, de façon transparente, en consultation avec tous les Néo-Brunswickois et les peuples autochtones.

Susan O’Donnel
Professeure auxiliaire et chercheuse principale du projet de recherche Rural Action and Voices for the Environment à l’Université
du Nouveau-Brunswick
Fredericton

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