- Associated Press
Entre les talibans et les Acadiens, les fautifs sont les Acadiens?
Une caricature éditoriale féministe exprimant sa sympathie pour les femmes sous les talibans a été vertement dénoncée le mois dernier, après avoir été prise dans un tourbillon médiatique, politique et linguistique, attisée par les médias Radio-Canada et NB Media Coop, résultant dans une situation malsaine.
Le caricaturiste d’Acadie Nouvelle voulant agrémenter les nouvelles du jour a choisi l’anniversaire de la prise de pouvoir des Talibans, et a soulevé la descente aux enfers des femmes afghanes depuis un an. Sont rares les gestes de solidarité, ici ou ailleurs, pour ces femmes et filles qui depuis les talibans sont dépouillées de leurs droits dans un pays qui descend à l’âge de pierre, contraintes de se cacher soit en demeurant à la maison, soit en portant un cache-corps. La caricature publiée démontre l’homme de pierre avec son bâton et l’homme au turban avec son fusil kalachnikov. Qui a vu des photos et vidéos témoignant de ce que vivent les femmes afghanes a vu pire.
Les fidèles du journal n’ont pas trouvé de mal à la caricature.
Mais certains autres y ont vu un scandale.
Le fait que la caricature ait paru dans un journal acadien n’a point aidé. Certains ne peuvent pas concevoir que l’Acadie puisse être avant-gardiste, nous donnent le contraire du bénéfice du doute, et donc concluent que cette caricature ne peut pas vouloir dire ce qu’elle dit. Étonnement, les personnes réagissant dans les médias ont commencé leurs commentaires en recommandant aux Acadiens de s’informer, de s’éduquer et de reconnaître leur racisme. Bravo le respect. Leur conclusion a été que l’Acadie serait ethnocentrique parce qu’elle se prononce sur les talibans. C’est là le procès minute qu’on a fait à l’Acadie. Les médias n’ont pas été cherché les réactions de personnes connaissantes de l’Acadie, du racisme, ou des femmes afghanes. Ils n’ont pas confronté les deux-trois personnes interviewées avec des questions journalistiques, avec la caricature, ou avec des données.
Un autre hic qui a fait scandale est que la critique des talibans ne passe pas. Oui, oui, entre taliban et Acadie, ce sont les Acadiens en faute. Pour certains, il semble qu’il ne faut pas critiquer les religions. Pour la plupart, il ne faut pas critiquer cette religion, parce que les croyants subissent des discriminations dans certains pays. Sur Twitter certains diront que même si les talibans font du mal, cette caricature est effrontée et de mauvais goût. Cette caricature, et non pas les talibans et leur traitement des femmes. Certains diront que la caricature déshumanise les femmes. La caricature, pas les talibans. Qu’elle a causé un tort considérable.
Ces réactions limitées et conservatrices sont les seules à avoir été sollicitées et publiées par Radio-Canada et NBMedia Coop. Les victimes pèsent peu, tout comme tous les bien-pensants qui nous dénoncent toujours avec un «Pas tous les hommes» lorsque les féministes dénoncent les viols, le harcèlement sexuel ou la violence masculine conjugal.
Ou comme les conseils paroissiaux, les évêques et les papes qui, ne voulant pas nuire à l’Église, cachaient les plaintes de viols.
Comme ceux qui, parce que l’antisémitisme est réel, veulent faire taire toute critique des injustices que l’Israël fait vivre aux Palestiniens. L’islamophobie est réelle, mais comme dit une femme qui s’est réfugiée de l’Iran: «L’extrême-droite critique l’islam, car elle hait les immigrés et les musulmans. Nous, nous critiquons l’islam car nous nous battons pour une société dans laquelle croyants et non-croyants puissent vivre librement. Ce combat n’est pas contre les musulmans, mais contre le fondamentalisme. N’oublions pas que les islamistes sont d’extrême-droite aussi!» (Maryam Namazie, fondatrice de Council of Ex-Muslims of Britain, 24 août 2022).
L’enjeu ici n’est pas la caricature ou l’Acadie. C’est de savoir si on peut dénoncer l’extrémisme religieux, si on peut défendre les droits humains des femmes dans toutes les circonstances.
Rosella Melanson
Fredericton