S’il est un lancement et un livre qui auraient mérité plus d’attention, c’est bien la dernière publication du professeur et sociologue à la retraite Greg Allain, ouvrage qu’il a intitulé La société acadienne sous la loupe du chercheur, Parcours sociologique en Acadie du Nouveau-Brunswick.

À la lecture de ce livre fort intéressant, force est d’admettre que la présence de l’Université dans le milieu a amené avec elle son lot de professeurs, de chercheurs et d’experts qui assurent un rayonnement des plus appréciables. Greg Allain est de ceux-là.

On dit de lui qu’il est un défricheur de terrain, un qui s’intéresse non seulement aux acteurs d’un milieu donné, mais à l’action qui est à l’origine des aspirations et, éventuellement, des réalisations des groupements acadiens qui font l’objet de ses recherches.

Le livre de Greg Allain, publié aux éditions Prise de parole, raconte comment s’érige une société, l’acadienne en l’occurrence, et les nombreux éléments qui la constituent de même que le dynamisme par lequel ils interagissent. Il prend sa loupe de chercheur et fait revivre, entre autres, le phénomène du parc Kouchibouguac, le premier Congrès mondial acadien, le développement et l’épanouissement des communautés de langue française de Fredericton, de Saint-Jean et de Miramichi, les Jeux de l’Acadie et les Conseils régionaux d’aménagement.

L’auteur ne manquera pas d’observer et d’analyser les projets sociaux qu’ont été Relance et les Conseils régionaux mis en place dans le Sud-Est (CRASE), le Nord (CRAN) et le Nord-Ouest (CRANO), initiatives d’aménagement rural et de développement économique qui avaient pour but d’améliorer l’état des populations.

Comparativement à de tels groupes du côté anglophone, les entités acadiennes ont été plus politisées et ainsi plus embarrassantes pour les gouvernements en place.

Kouchibougouac, cette grande idée des gouvernements fédéral et provincial d’un parc national, entité qui allait mousser l’industrie touristique dans le nord du comté de Kent et qui, de surcroît, allait sortir une population de la pauvreté, n’a pas manqué de susciter un mouvement de résistance chez une population plus jeune, plus engagée, plus nationaliste et soucieuse de justice sociale devant les déchirements qu’ont dû subir des familles qu’on a expropriées et délocalisées.

Le congrès mondial acadien de Moncton en 1994 aura été «un succès populaire indéniable» et aura su attirer dans le milieu beaucoup d’intéressés dont certains à la recherche de racines pour des raisons identitaires, d’autres pour des rencontres de familles et ceux qui auront voulu réfléchir à l’état de l’Acadie en participant aux grandes conférences. L’occasion, peut-être, d’une redéfinition du milieu. Si certains pouvaient craindre une folklorisation de l’Acadie, Greg Allain, lui, suggérait qu’on «jauge avec soin sa portée sociétale (congrès), c’est-à-dire son impact à plus long terme sur une possible redéfinition (…)».

En 1978, la SANB commande une étude sur la place qu’occupent les francophones du Nouveau-Brunswick au sein des structures sportives provinciales, laquelle aboutira à des jeux provinciaux qui auront lieu, au cours des deux premières années, au Centre d’éducation physique et des sports (CEPS) de l’Université pour se transformer éventuellement en cette organisation et structure exceptionnelle que seront les Jeux de l’Acadie, événement annuel couru par des milliers de jeunes athlètes désireux de compétitionner et de fraterniser.

Allain croit que si nous devions demander aux gens de quelle réalisation ils sont les plus fiers, ils pointeraient vers les Jeux, «(…) symbole de jeunesse, d’enthousiasme, de solidarité, de modernité.»

Une des études fort intéressante réalisée par l’auteur est sans nul doute la structuration et le développement des collectivités francophones de Fredericton et de Saint-Jean, pourtant, considérées par les majorités de leurs milieux comme des entités absolument négligeables.

Acculés au pied du mur par des conseils scolaires fort peu sympathiques, voire hostiles, ces gens armés de résignation et de détermination n’ont jamais, pour un instant, lâché prise.

L’aboutissement s’est révélé être une organisation structurelle fort intéressante comprenant école, centre communautaire, bibliothèque, galerie d’art, caisse populaire (Fredericton), radio communautaire et paroisse française.

Un monde associatif solide sert de renfort appréciable à un monde institutionnel devenu depuis un modèle de vitalité remarquable ailleurs au Canada. Des centres du genre ne sont pas à l’abri des secousses socio-économiques. La perte de la base de Chatham et de la mine Heath Steele ont ébranlé la communauté de Miramichi diminuant d’autant les effectifs de la place.

Si le lecteur devait se sentir un tantinet embarrassé à quelques endroits du texte où, pour des explications d’ordre méthodologique, l’auteur doit recourir à un jargon sociologique, il arrive vite au vif du sujet où tout est non seulement accessible, mais passionnant.

Plusieurs lecteurs ont sûrement été témoins, par un moyen quelconque, de l’un ou l’autre événement abordé ici, mais peut-être jamais sous l’œil du chercheur et sociologue.

Le livre de Greg Allain mérite qu’on le lise, qu’on le discute, qu’on le partage. Il suscite une sérieuse réflexion et même une fierté justifiée relativement à des réalisations qui assurent un développement et un épanouissement de communautés minoritaires qui se sont beaucoup renouvelées depuis les années 1960.

Greg Allain, celui qui dit préférer voir les verres à moitié pleins plutôt qu’à moitié vides, termine son livre de telle façon: «Malgré les succès indéniables des Acadiens du Nouveau-Brunswick, c’est le lot inéluctable de toute société minoritaire: ne jamais prendre ses droits pour acquis, toujours rester vigilants, garder alertes ses capacités de mobilisation.»

Hector J. Cormier
Moncton

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