Le débat entourant le changement de nom de l’Université de Moncton n’est pas nouveau. Il va et vient au gré des époques, depuis sa création il y a 60 ans, faisant irruption dans l’actualité à différents moments selon des conjonctures particulières et porté par des acteurs qui reprennent ce bâton du pèlerin pour une cause qui ne sera jamais urgente et qui n’apparaîtra jamais dans la liste des priorités de la société acadienne. Mais pourquoi cette fois-ci serait différente? Qu’est-ce qui motive maintenant 850 personnalités (et la liste des signataires continue de s’allonger) de tous les âges, de tous les horizons et de toutes les régions, à affirmer que le moment était venu, une fois pour toutes, de délaisser le nom de famille de l’un de nos bourreaux afin d’opter pour une dénomination différente pour l’une des nos plus importantes institutions? La réponse facile serait de dire que c’est le résultat de la fougue et du pouvoir de persuasion de Jean-Marie Nadeau, qui mène la présente charge, mais ce serait simpliste et incomplet. Bien que le rôle de Jean-Marie soit déterminant, il s’agit davantage d’une nouvelle conjoncture, d’une «fenêtre d’opportunité», tel que le définit John W. Kingdon et que nous enseignait Roger Ouellette dans mes cours de sciences politiques.

Il y a bien sûr les 60 bougies, cette année, de la création de l’Université de Moncton. Les anniversaires et les dates importantes sont souvent des occasions de remise en question. On se rappelle qu’à l’aube des 40 ans, au tournant des années 2000, la Fédération étudiante du Campus universitaire de Moncton (FÉCUM… la FÉÉCUM à l’époque) avec René Boudreau à la présidence, avait ramené le sujet sur le tapis avec l’appui de différents intervenants de la communauté acadienne. Comme à toutes les autres occasions, l’idée avait été débattue, la cause entendue et le verdict rendu; il y a plus important comme dossier et structurant comme enjeu que celui du changement de nom de l’U de M, mais ce n’était évidemment que partie remise.

Il y a donc, oui, un anniversaire important cette année, mais il y a aussi «l’ère du temps» qui a changé. On n’échappe pas, nous non plus en Acadie, à la mouvance qui est à l’œuvre en occident depuis quelques années. Au mieux, celle-ci cherche à donner plus de pouvoir à des communautés trop longtemps opprimées et marginalisées, et ce, de différentes façons (incluant l’abandon de pratiques ou de symboles d’oppression) et, au pire, elle peut entraîner des dérives menant à de la censure et une réécriture de l’histoire.

Dans le cas présent, j’estime que le changement de nom de l’Université de Moncton s’inscrit du côté positif de cette mouvance, soit celui d’une affirmation positive et ce que doit représenter notre plus grande université acadienne (n’oublions pas l’Université Sainte-Anne).
Ce n’est pas de vivre dans le passé que de demander ce changement de nom. Bien au contraire. On se tourne vers l’avenir. C’est un geste de maturité, d’affirmation et de fierté collective pour la communauté acadienne. Personne ne demande à la Ville de Moncton de changer de nom et encore moins d’effacer le nom Moncton de la carte ou des livres d’histoire. Aucunement. Cependant, «notre» université peut-elle adopter un nom plus évocateur et plus positif que celui de «Moncton»? Personnellement, je crois que oui.

N’oublions pas non plus que l’U de M regroupe deux autres campus situés à Edmundston et Shippagan. L’utilisation d’un nom d’une ville pour désigner un campus basé dans une autre ville porte régulièrement à confusion et une nouvelle dénomination règlerait en même temps cette incongruité quelque peu malcommode.

La liste des raisons est assurément incomplète. Tous les signataires ont leurs propres raisons et je ne prétends pas toutes les connaître. Mais le dénominateur commun demeure le même et la vague actuelle en faveur d’un changement de nom n’est pas revancharde, mais bel et bien positive et, surtout, elle est plus forte que jamais.

En terminant, je ne peux m’empêcher de déplorer la réticence des organismes de la communauté acadienne à appuyer la présente démarche citoyenne. Ceux-ci sont pourtant enclins à appuyer rapidement des revendications semblables qui surgissent ici et là. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Les organismes ont encore l’occasion de démontrer leur leadership et de sauter dans le train qui est en marche, de signifier qu’ils sont du bon côté de l’histoire, mais surtout de contribuer à régler ce dossier qui, non, ne sera jamais une priorité de la plus haute importance. Au lieu de remettre une fois de plus le couvercle sur la marmite, assumons notre maturité collective et procédons à ce changement qui aura un effet vivifiant pour notre université et tout le peuple acadien.

Frédérick A. Dion
Petit-Rocher, Belle-Baie

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