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Osons!
Nous sommes en 2023, 268 ans après la Déportation, n’est-il pas temps de mettre nos choses en ordre et donner à l’Université notre nom avant qu’il soit trop tard? D’après moi, c’est notre dernière chance. C’est un des bastions de notre identité nationale que nous devons régler une fois pour toutes.
La bonne nouvelle c’est que cela dépend de nous et de personne d’autre. Allons-nous nous enfarger dans les litanies de raisons pourquoi nous ne pouvons pas le faire ou allons-nous être fiers Acadiens et Acadiennes?
Laissons tomber notre fameux complexe de minoritaire, pour confirmer à la face du monde que nous sommes un grand peuple, capable de l’assumer. Ainsi, à l’instar de nos prédécesseurs qui ont mis l’épaule à la roue, nous sommes en mesure de nous offrir aujourd’hui, plus que jamais, ce symbole à la hauteur de notre histoire et surtout de nos aspirations. Osons!
Nos villes et villages se sont donné un nouveau nom récemment pour tenter de mieux se représenter. Notre pays et nos provinces se sont, en plus, donné des drapeaux, des armoiries, des devises, des emblèmes floraux, etc.
Plusieurs sont prêts à aller en guerre pour défendre nos drapeaux, mais surtout ce qu’ils représentent. Nous ne sommes pas simplement des êtres de logique et de mathématique, nous sommes aussi des cœurs qui vibrent et, comme me disait une amie récemment, le cœur a aussi sa logique.
J’ai entendu l’élément économique contre l’idée d’un changement de nom, c’est certain qu’il y aura des coûts, mais sommes-nous si dépourvus aujourd’hui en Acadie que nous voulons continuer à nous vendre au rabais. Pour moi, l’argent est un moyen, non un but. Un peuple doit décider où il veut aller et ensuite trouver les moyens d’y arriver.
En tous cas, chez nous, si mes parents, comme plusieurs parents de l’époque, avaient basé leurs décisions sur la raison économique j’ose croire que très peu d’Acadiens et d’Acadiennes, comme moi, auraient pu fouler le parvis de notre université.
L’autre argument que j’ai entendu, il y a des luttes plus importantes, dont la pauvreté ou autres. Je veux bien croire, mais une lutte n’est pas synonyme d’enlever quelques mérites à une autre. Il me semble que c’est une question d’équité. Si on s’occupe d’un enfant malade dans une famille, arrête-t-on de nourrir ses autres enfants?
Certains pensent, qu’est-ce que ça peut faire un nom ou un autre? Si on vous demandait de porter le nom du meurtrier de votre mère dans le cas d’un féminicide, comment réagiriez-vous?
Votre nom, c’est quelque chose de précieux, de sacré et d’intime, car cela vous définit. Qui n’est pas fier d’entendre son nom et de vouloir le léguer à ses descendants. Entre vous et moi, êtes-vous fiers de léguer le nom du tortionnaire de l’Acadie aux générations futures? Cette tache sur notre drapeau national, il faut l’enlever une fois pour toute.
Enfin, l’argument suprême: nous avons fait virer le lieutenant-général Robert Monckton dans sa tombe, car il voulait nous détruire et nous lui avons fait un pied de nez avec le nom de l’Université. Vraiment?
Personnellement, je suis plus intéressée à pouvoir nommer mon alma mater par un nom qui me représente et dont je suis plus fière que quelqu’un qui a été notre bourreau et qui n’existe plus.
Il me semble que si nous voulons enfin tourner la page de notre douloureuse histoire, il faut que le nom de notre tortionnaire soit effacé à jamais de notre mémoire collective et contemporaine pour passer à autre chose. Ainsi, nous aurons brisé les chaînes de ces menottes qui continuent de nous hanter aujourd’hui. Nous serons libérés de notre histoire et grandirons comme fiers Acadiens et Acadiennes que nous sommes et pas seulement le 15 août.
Je souhaite et j’espère de tout cœur que la sagesse des dirigeants de notre université nous donnera enfin un nom à la hauteur de qui nous sommes et représentatif de toute l’Acadie. Ne sommes-nous pas des adultes maintenant? Et notre université n’a-t-elle pas un rôle crucial à jouer dans la promotion de notre fierté nationale?
Lucie LeBouthillier
Ancienne directrice générale de la Société nationale de l’Acadie
Bas-Caraquet