En route vers des élections provinciales printanières?
Serge Rousselle
Tracadie
Si j’étais encore chroniqueur politico-juridique pour l’Acadie Nouvelle, j’aurais déjà pondu un texte depuis un certain temps expliquant pourquoi la possibilité de la tenue d’élections provinciales cette année, voire ce printemps, est à tout le moins aussi grande que de les tenir l’an prochain tel que prévu, la décision finale revenant évidemment au premier ministre Higgs comme il nous l’a démontré en 2020 en pleine pandémie.
En fait, ce ne sont pas les raisons qui manquent au premier ministre pour aller rendre visite dès ce printemps à la lieutenante-gouverneure afin de déclencher des élections. On pourrait même croire qu’il s’y prépare sans qu’à peu près personne ne semble s’en rendre compte, l’exception étant l’éditorialiste François Gravel qui a récemment évoqué cette possibilité.
De prime abord, il est bien connu que Blaine Higgs n’est pas particulièrement friand de la joute politique, voire du jeu démocratique, qui donne souvent lieu, surtout lors de la dernière année du mandat d’un gouvernement, à une surenchère électorale et à un certain immobilisme gouvernemental.
Or, quand on est un politicien pour qui, de surcroît, il ne reste au mieux qu’environ trois ans à réaliser ses objectifs politiques, pourquoi «perdre» la prochaine année et ne pas s’assurer dès maintenant d’asseoir pleinement son autorité pour ses dernières années en politique afin de réaliser ses ambitions sans ambages?
Cela est d’autant plus pertinent quand on est un premier ministre qui doit déclencher prochainement trois élections partielles qu’il n’a à peu près aucune chance de gagner et qui donneraient l’occasion à la cheffe libérale de faire son entrée en Chambre afin de se faire mieux connaître et se faire valoir.
De plus, une élection générale précipitée a aussi l’avantage d’assurer au premier ministre de resserrer les rangs de son caucus dont les membres, selon certaines rumeurs, ne sont actuellement pas tous de joyeux lurons, pour ne pas dire de «joyeux campeurs», d’autant que perdre trois élections partielles avec des marges importantes n’aiderait pas la situation. À cet égard, il est révélateur qu’au cours des derniers jours, deux députés conservateurs ont annoncé publiquement ne pas savoir s’ils allaient se représenter l’an prochain, l’un des deux laissant entendre que le tout dépendrait du leadership de son parti.
Par ailleurs, comment ne pas penser aux immenses surplus budgétaires de la province qui donnent sans aucun doute l’eau à la bouche à plusieurs membres de son caucus? Dans un tel contexte, pourquoi devoir se résigner à présenter deux budgets «dépensiers» (du moins, à ses yeux) avant les prochaines élections, alors qu’il pourrait se contenter, au pire selon ses convictions, d’un seul budget «bonbon» la semaine prochaine avant de continuer librement sur une lancée d’un remboursement inédit de la dette dans notre province?
Et il va sans dire que la tenue d’élections hâtives ce printemps clouerait pour de bon la possibilité de présenter des modifications à la Loi sur les langues officielles au cours de ce mandat, modifications que le premier ministre Higgs n’a, de toute évidence, aucune envie d’apporter.
Somme toute, faites vos jeux, mais comme le dirait certainement M. Higgs, «stay tuned».