Ne manquez pas votre chance
J’ai assisté avec beaucoup de bonheur et de larmes au lancement du livre De terre et d’eau de Jules Boudreau et Calixte Duguay. Ces deux géants de notre culture acadienne.
Quel plaisir d’entendre Les Aboiteaux, Mon pays imaginaire, Pierre à Jean-Louis, etc. interprété à tour de rôle par Denise Leboeuf, musicienne accomplie, compagne de Calixte, Nicolas Basque et Michel Carpentier. Animé avec brio par un ami et ancien étudiant de Calixte, Luc Doucet. C’était un voyage dans la poésie, les chansons et la musique de Calixte qui nous a fait vibrer le cœur comme un tam-tam du peuple acadien.
Comme beaucoup d’entre vous, les chansons de Calixte ont bercé mon adolescence, toute ma vie d’adulte et nourri mon âme acadienne.
Son œuvre est la fondation, en poésie mise en chansons et musique, qui a ouvert la voie à l’Acadie moderne. Celle qui perdue dans les bois ou repliée sur elle-même pour essayer de survivre, regroupée autour du feu familial et les lampes du sanctuaire pour nous permettre d’émerger, enfin, au grand jour.
Et ce Grand Jour, Calixte nous l’a offert sur un plateau forgé à la sueur de nos déportations, déchirements, humiliations et luttes façonnés par la terre et la mer, témoin de nos souffrances et de la forêt, pour les abriter et les guérir. Une histoire de tragédies, de résilience et d’amour.
C’est de là que vient le peuple acadien qui a enfanté notre Grand Calixte. Il a puisé à cet abreuvoir sacré pour poser la pierre angulaire de la chanson acadienne moderne, mise au monde par son étincelle de génie.
C’est comme si son œuvre a tout à coup émergé, trois siècles et demi plus tard, avec une floraison miraculeuse qui a su puiser au plus profond de l’essence, de l’extraordinaire imaginaire acadien, que le chantre du peuple, avec une sensibilité géniale, nous a offert en cadeau. L’ultime cadeau du fils à son peuple.
Nous sommes un grand peuple avec moins de monde, à cause de la Déportation. C’est toujours une question de nombre, d’opportunités et de ressources.
Si Calixte avait été élevé à Paris, il n’aurait jamais pu écrire ses chefs-d’œuvre. Heureusement pour nous, mais s’il avait pu écrire ce genre de chose- là, il aurait été reconnu à l’égal de Bécaud, Brassens, Brel, Aznavour, etc., comme le soulignait si justement son ami, Jules Boudreau, un autre géant de la littérature acadienne, malheureusement, si peu reconnu.
Il est celui qui a contribué à notre fierté, avant tous les autres, de se reconnaître dans sa poésie chantée, en passant par les pièces musicales Louis-Mailloux et L’Alambic avec ce créateur d’exception, Jules Boudreau. Tous ces chefs-d’œuvre, tels les cailloux blancs du Petit poucet nous ont suivi pour marquer notre parcours afin d’être sûr de revenir, mais surtout pour que les autres puissent nous suivre, savent quel grand peuple nous sommes.
Calixte, certainement le plus grand dans son genre par son œuvre fondatrice de l’Acadie moderne, digne de la Légion d’honneur, s’il était dans notre pouvoir de lui offrir. Une étoile au panthéon des plus grandes œuvres de l’humanité.
Elle devrait être reconnue par l’Unesco comme un bien immatériel de valeur universelle à être préservée à jamais, diffusée et enseignée partout, certainement dans les 112 pays de la Francophonie qui ont le français en partage avec 321 millions de locuteurs.
Quelque chose, n’est-ce pas?
Ce livre, cette bible, de Jules Boudreau et Calixte Duguay, nous offre leurs regards sur son œuvre grandiose à la hauteur du peuple qui l’a enfanté.
Ne manquez pas votre chance de vous le procurer ou encore si vous êtes à Bathurst ou à Dieppe, d’aller aux lancements, bonheur retrouvé de nos chansons qui nous ont bercés depuis tant d’années et remplis de fierté. Et aussi, si vous en avez la chance, assistez au Requiem acadien de Calixte Duguay.
Lucie LeBouthillier
Bas-Caraquet