Carole Fournier, qui ne pratique la course que depuis deux ans, a déjà pratiqué dans des conditions particulières comme les montagnes, la neige et les déserts. - Gracieuseté
Le Marathon des sables… avec le sourire
EDMUNDSTON – Si vous trouvez que le spécialiste des courses Spartan Kevin Lavoie est un phénomène, sachez qu’Edmundston a également son pendant féminin. Comme l’ancien capitaine des Républicains de la Cité des Jeunes, Carole Fournier n’aime rien de mieux que de repousser les limites de son corps en courant des distances extrêmes. Dans son cas, toutefois, ce sont les courses en sentier qui ont sa préférence.
C’est à la suite d’une simple conversation, en juillet 2012, que Carole Fournier a décidé de courir pour la première fois. Juste pour voir. Par curiosité.
«Quelqu’un m’a demandé si j’aimerais courir et je lui ai dit que je n’en savais rien, mais que j’étais prête à essayer. J’ai détesté», dit-elle en riant.
«La même personne m’a quand même encouragée à continuer pour au moins deux ou trois autres semaines. Eh bien, il faut croire que c’est comme toute bonne chose, tu dois le faire à quelques reprises avant d’y prendre goût. Le plus étrange, c’est que c’était lors d’entraînements de plus longue distance que j’aimais le plus ça», mentionne celle qui en avril 2015 prendra part au 30e Marathon Subaru des sables, au Maroc, en plein désert.
De son propre aveu, elle n’était pourtant pas prédestinée à devenir une adepte de la course à pied, encore moins sur de longues distances.
«J’ai toujours été active, mais pas sportive. Plus jeune, disons qu’il y avait plus de chances de me voir dans des compétitions de dessin ou d’échecs que dans une équipe sportive. J’ignorais complètement que j’avais ce potentiel en moi», raconte-t-elle.
Carole Fournier n’a pourtant pas mis de temps à reluquer avec envie les courses de longue distance.
Au printemps 2013, alors qu’elle se préparait pour son premier marathon, celui d’Ottawa, un ami qui a déjà participé à des ultra-marathons (une course supérieure à 42,2 km), lui parle des courses de longue distance. Quelques jours plus tard, elle tombe par hasard sur la bande-annonce du Marathon des sables 2013. C’est la révélation. Aussi bien dire un coup de foudre.
«Ça m’a aussitôt fascinée. Il faut dire qu’à l’époque je ne comprenais même pas que quelqu’un puisse penser courir davantage qu’un marathon dans une même journée. Je savais aussi que c’est seulement 1 % de la population mondiale qui complétera au moins un marathon dans sa vie. Mais quand je suis tombée sur le Marathon des sables sur Internet, c’est venu me chercher tout de suite. J’ai immédiatement su que c’était pour moi un moment important, que c’était ce que je voulais faire de ma vie», révèle-t-elle.
Il n’y a pas à dire, Carole Fournier n’est pas le genre à se lancer des défis par fanfaronnade. Elle décide donc immédiatement de tout mettre en oeuvre afin de réaliser son rêve de participer un jour au Marathon des sables. En 2013, le Marathon d’Ottawa sera suivi de six autres, en plus d’un ultra-marathon de 100 km en octobre dans le New Hampshire qu’elle complète en 17h30. Elle participe aussi à des épreuves de 5 km, de 10 km et de demi-marathon.
Cette année, outre les marathons d’Ottawa et de Montréal, elle décide d’ajouter des courses en sentier à son programme. Elle prend ainsi part au Skymarathon de 42 km du mont Albert (dénivelé de 2000 m), qu’elle termine en 3e position chez les dames, et au X-Terra de Lac Delage, dans le territoire de Stoneham, une course de 10 km qu’elle complète en 2e place.
Le point culminant aura par contre été le Pandora 24, en juillet, un ultra-marathon en sentier de 24 heures d’une distance de 86 km dans les falaises de Piedmont, dans les Laurentides (avec un dénivelé de 3600 m), où elle prend le 3e rang chez les dames.
Ce n’est toutefois pas terminé puisqu’elle sera sur la ligne de départ du Bromont ultra de 80 km (dénivelé 2000 m) le 12 octobre prochain.
«Après cette course, mon entraîneur (Ray Zahab) m’a dit que j’aurai droit à un petit repos mérité de deux semaines», lance-t-elle en riant aux éclats. Je reprendrai ensuite l’entraînement de plus belle pour mon gros défi en avril 2015.»
Si la famille et les amis de Carole Fournier ont depuis appris à composer avec sa nouvelle vie, ça n’a pas toujours été le cas. Après tout, en connaissez-vous vous des adultes qui décident, à 31 ans, de devenir des coureurs extrêmes?
«Au départ, c’était très préoccupant pour mon entourage, avoue-t-elle. Ils s’inquiétaient pour ma santé. Ç’a pris du temps avant qu’ils réalisent que mon corps était capable de souffrir autant. Et puis, j’ai la chance d’avoir un conjoint (Juan Manuel Toro Lara) qui est un triathlète et qui participera à son premier Ironman en 2015. Il comprend dans quoi je me suis embarquée.»
«Gérer la souffrance en compétition, c’est d’ailleurs ce qui est le plus difficile. Mon entraîneur m’a déjà dit que pour gérer la souffrance, ça se passe à 90 % dans la préparation mentale. L’autre 10 % se passe dans notre tête», dit-elle en riant.
«En fait, l’entraînement te permet juste de devenir plus fort et endurant. L’entraînement retarde la souffrance. Mais inévitablement, dans des courses de longue distance, la souffrance finit toujours par venir», mentionne-t-elle.
«Ça me fascine de voir à quel point le corps peut en prendre. Le corps a la capacité de s’adapter à des épreuves absolument extrêmes. Dans mon cas, comme je faisais déjà du yoga depuis quelques années, ça m’a aidée à bien apprendre à respirer. Le yoga est devenu complémentaire avec mes courses, tout en me permettant de garder mon corps souple et flexible», ajoute Carole Fournier.
La première néo-brunswickoise
Obélix dirait qu’ils sont fous ces Acadiens. Carole Fournier, une jeune femme âgée de 33 ans et originaire d’Edmundston, participera du 3 au 13 avril au 30e Marathon Sultan des sables, dans le Sahara sud-marocain. Elle deviendra du même coup la première Néo-Brunswickoise à prendre part au célèbre événement.
Le Marathon des sables, grosso modo, c’est une course à pied de six étapes totalisant 250 km en autosuffisance alimentaire. En d’autres mots, tu cours des heures et des heures dans le désert en traînant sur ton dos ta bouffe pour une semaine. Les cinq premières étapes varient entre 20 et 42 km jusqu’à l’étape ultime de 80 km avec de bons dénivelés.
Selon Wikipédia, le parcours comprend des dunes, des plateaux caillouteux, des pistes, des oueds asséchés, des palmeraies, des petites montagnes, etc. Bref, une vraie petite marche de santé dans le parc.
Carole Fournier, qui ne pratique pourtant la course que depuis deux ans, n’a pas l’intention d’aller y faire du tourisme. Elle est bien déterminée à compléter ce marathon extrême. Et pour s’assurer d’être fin prête, elle a fait appel aux services de l’entraîneur Ray Zahab, un ancien athlète qui en 2006 a réalisé la folie de traverser le Sahara d’un bout à l’autre, soit une distance de 7500 km, en 111 jours. Faut le faire quand même.
«Ray sait de quoi il parle et il connaît le désert, affirme Fournier. Je suis contente et chanceuse de l’avoir comme entraîneur.»
«Mon objectif, c’est d’abord de le terminer en ayant le moins de blessures possible et avec le sourire. Même si ce marathon je le fais pour moi, je souhaite que cela puisse quand même inspirer des gens. C’est ma façon à moi de démontrer qu’on peut atteindre nos rêves, même les plus fous», dit-elle en riant.
«Bien sûr, je suis consciente qu’il s’agit d’une des courses les plus difficiles au monde. Le jour, tu cours dans des chaleurs épouvantables qui dépassent les 50 degrés et le soir tu gèles. Tu cours avec un sac à dos qui, aux trois quarts, contient de la nourriture. Heureusement, l’eau est fournie à des points de ravitaillement. Tu as droit à 12 litres d’eau par jour. Avec cette eau, tu dois boire bien sûr, mais tu dois aussi en garder pour te laver, pour te nourrir et pour laver tes vêtements.»
Outre les blessures, particulièrement aux pieds, Carole Fournier avoue avoir quelques craintes vis-à-vis de cette course d’endurance.
«Je suis quelqu’un qui souffre de vertige et je sais que je vais avoir peur le long des crêtes. J’ai d’ailleurs décidé de faire un saut en parachute récemment pour tenter d’améliorer ce problème de vertige. Disons que c’est mieux que c’était. Le vertige, c’est d’abord une question mentale», lance-t-elle.
«J’ai également le défaut de manquer d’appétit quand je fais des compétitions de longue distance. Ça peut paraître banal dit comme ça, mais le fait demeure que sans calories tu finis par perdre ton énergie. Je dois m’assurer de trouver de la nourriture que mon corps sera capable de tolérer», explique-t-elle.
«Je dois aussi faire attention à mes pieds. C’est primordial. J’ai vu des photos atroces de coureurs qui avaient les pieds assez amochés. Les pieds humides et le sable, ce n’est pas vraiment une bonne recette», révèle-t-elle avec humour.
«Ça va être une expérience unique»
Une participation au Marathon Sultan des sables coûte forcément très cher. Dans le cas de Carole Fournier, c’est une somme d’environ 10 000 $ qu’elle devra débourser, ce qui comprend l’inscription (4500 $), l’hôtel, l’avion et l’équipement.
«C’est certain que c’est dispendieux, mais je vois ça davantage comme la réalisation d’un rêve. Ça va être une expérience unique», dit-elle.
Pour l’aider à payer les coûts, plusieurs activités sont déjà en marche. Au menu, une collecte de fonds, des conférences dans les écoles et auprès du public et plusieurs autres activités.
«J’ai la chance d’avoir une mère artiste (Évelyne Gallant Fournier, www.gallantfournier.com) qui m’a fait don d’une oeuvre et que nous ferons gagner via un tirage après la vente de billets. Les gens peuvent aussi faire un don sur mon site Internet (www.crazypassion.com/mds2015), où je tiens un blogue. La moitié de l’argent récolté va m’aider à payer mon voyage et l’autre moitié sera remise à P.R.O. Jeunesse (www.makeachamp.com/fr/carolefournier), un organisme du Madawaska qui vient en aide aux familles pauvres afin de les aider à inscrire leurs enfants à des activités sportives et culturelles.
«C’est une cause qui me tient à coeur. En tant que travailleuse résidente en psychologie auprès d’enfants aux prises avec des problèmes de santé mentale, je sais que plusieurs cas pourraient être résolus grâce au sport ou à des activités culturelles. Malheureusement, les parents n’ont pas toujours les moyens pour le faire. Comme la vie m’a donné le talent de courir de longues distances, je veux faire ma part en courant pour eux», affirme-t-elle.